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A côté des Vénitiens, il faut citer à ce moment Jules Romain à Mantoue, et le Corrège à Parme, qui sont les véritables initiateurs de l’art qui va si brillamment s’épanouir au XVIIe siècle dans l’école romaine.

Mais avant cette reprise du XVIIe siècle, l’art décoratif subit un arrêt dans toute l’Italie à la fin du XVIe siècle par suite du puritanisme de la Contre-Réforme. L’école bolonaise, chargée par les papes et les communautés religieuses de peindre dans les nouvelles églises de grandes compositions religieuses, avait supprimé de ses peintures ce qui n’était qu’un simple élément de plaisir pour ne retenir que ce qui pouvait plaire à l’esprit ; ni le Dominiquin, ni le Poussin ne sont des décorateurs.

C’est à Rome au XVIIe siècle, avec Pierre de Cortone, que l’art décoratif réapparait en maître, pour régner, dès lors, presque exclusivement dans le monde pendant deux siècles. Tout en restant chrétien, cet art ne cherche plus à convaincre, mais à séduire, et la décoration qui, jusqu’alors, n’avait joué qu’un rôle effacé et secondaire semble logiquement devenir le but principal de l’art et sa véritable raison d’être.

C’est à ce point de vue qu’il faut se placer si l’on veut pleinement comprendre l’œuvre de Pierre de Cortone. De lui je serais tenté de dire, non pas seulement qu’il fut un des plus grands décorateurs, mais qu’il fut par excellence le décorateur. C’est dans les qualités propres à l’art du décor qu’il a mis toute la tension de sa pensée, et c’est là vraiment qu’il brille d’un incomparable éclat.

Il ne faut pas demander à Pierre de Cortone la grandeur, l’impressionnante simplicité et la profondeur de l’école giottesque ; un décorateur ne doit pas penser, il doit supprimer de son œuvre tout ce qui demanderait un trop grand effort de l’esprit : un décor ne doit être fait que d’un sourire. Il ne faut pas non plus demander à Pierre de Cortone la, fermeté de dessin d’un Mantegna, la pureté de lignes d’un Raphaël, les modelés subtils d’un Léonard de Vinci, ou la science anatomique d’un Michel-Ange. Un décorateur doit presque inévitablement renoncer à cette science et à cette perfection, il a de trop vastes espaces à couvrir pour s’attarder à trop préciser des détails qu’on ne voit pas, il est trop absorbé par d’autres recherches qui pour lui sont l’essentiel : l’art de concevoir et d’ordonner de grandioses ensembles et surtout l’art de tout faire converger vers le plaisir des yeux.