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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/516

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son avis. Je vous recommande seulement de dire que j’ai relu l’histoire de M. Thiers, et qu’il a blâmé mon oncle d’avoir quitté l’armée, en 1815, et d’être venu discuter avec les Chambres. » L’Empereur se rappelait mal l’opinion de Thiers : il ne blâme pas le retour à Paris de Napoléon Ier, indispensable à son avis à cause de la dissolution de l’armée ; il le regrette. C’est Carnot qui dit : « Ne restez pas une heure ici ; repartez sur-le-champ : allez vous remettre à la tête de vos troupes. » A Napoléon III il eut dit : « Allez vous remettre à la tête de votre gouvernement. » En effet, à l’armée Napoléon Ier était une force ; à Paris, aux prises avec une assemblée hostile, il devenait le néant ; à l’armée, Napoléon III était le néant ; à Paris, appuyé sur une assemblée et des ministres dévoués, il restait une force.

Le résumé des impressions de notre collègue fut très net : le soldat se montrait toujours gai, plein d’entrain et de confiance ; mais l’Empereur était malade, incapable d’agir, l’état-major sombre, consterné, sans espoir. Et son dernier mot fut celui de tous ceux qui revenaient de l’armée : « C’est l’Empereur qui perd tout. »

« Allez immédiatement répéter votre récit à l’Impératrice, » dis-je à Maurice Richard. Il se rendit en effet auprès de l’Impératrice, mais il lui raconta malheureusement en termes beaucoup trop adoucis ce qu’il avait vu. Cependant il lui dit que l’Empereur était malade, qu’il n’avait pu se tenir à cheval à Sarrebrück, et qu’il était indispensable qu’il revint à Paris. Elle ne parut nullement surprise.


X

Le préfet de police, Pietri, arriva au rendez-vous à la Chancellerie avant Chevandier. Je lui communiquai les renseignemens de Maurice Richard et le priai de nous précéder auprès de l’Impératrice et de la préparer à la résolution que Chevandier et moi allions lui demander.

Nous le retrouvâmes aux Tuileries. J’entrai résolument en matière : « Madame, le temps des complimens est passé et vous me permettrez de vous dire nettement la vérité. Les désastres approchent ; il n’y a qu’un moyen de les conjurer, c’est de conseiller