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quel succès, dans les derniers mois de sa vie, il a résisté aux impatiens qui souhaitaient que l’Autriche profitât de la guerre italo-turque pour attaquer l’Italie, abattre l’irrédentisme et accroître son influence dans l’Empire ottoman. A la communication de M. di San Giuliano, dans les premiers jours de septembre, annonçant l’ouverture inévitable et prochaine des hostilités, le comte d’Æhernthal ne fit de réserves que sur le danger d’apporter une telle perturbation à la paix générale dans un moment où la Macédoine restait agitée et l’Albanie frémissante. Malgré cette réserve, les Italiens, en définitive, partirent pour Tripoli avec l’agrément de la Ballplatz. Après les coups de canon de Preveza, où l’escadre du duc des Abruzzes tira sur un torpilleur autrichien qui surveillait de trop près ses mouvemens tandis qu’elle était occupée à couler quelques petits bateaux turcs, le comte d’Æhernthal se plaignit vivement ; quelques jours après, le duc était appelé à un autre commandement et l’Italie promettait de ne plus porter la guerre dans l’Adriatique. Mais là s’est bornée l’intervention de l’Autriche.

Les Italiens ont donc choisi, avec un tact politique très sûr, le moment favorable où leur action, même si elle venait ç gêner la politique de certaines grandes Puissances, ne pourrait être sérieusement contrecarrée par aucune d’elles. Au point de vue financier, elle se trouvait également en mesure de fournir un grand effort. La politique antifrançaise et aventureuse de Crispi avait mis les finances de l’Italie si mal en point que, bon gré mal gré, il avait fallu, après Adoua, adopter une autre méthode. L’Italie, résolument, se mit au travail et le gouvernement à l’œuvre ; les résultats ne tardèrent pas à récompenser ces efforts. M. Tedesco, ministre du Trésor, constatait dans son exposé du 3 décembre 1910 que, depuis douze ans, le budget se soldait par un excédent et que la dette du Trésor, qui était de 400 millions, avait fait place à un crédit de 21 millions et demi. Malgré les grosses dépenses faites pour améliorer l’armement (budget de la guerre 1910 : 400 millions), malgré la catastrophe de Messine, malgré le mauvais résultat du rachat des chemins de fer, malgré le développement coûteux de la législation sociale et interventionniste, la situation : financière, au début de la guerre, était excellente. Les sommes énormes envoyées par les Italiens qui travaillent à l’étranger (plus de 400 millions de lires par an pour la seule Sicile), et surtout