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dans de pareils pays et dont on a d’ailleurs beaucoup exagéré l’importance, — la résistance inattendue que l’armée italienne rencontre en Tripolitaine. L’ambassadeur à Paris, M. Tittoni, avait, à plusieurs reprises, insisté au quai d’Orsay, sans recevoir une réponse qui le satisfit, pour que de nouvelles mesures de répression fussent prises : ce serait pour les obtenir qu’il aurait conseillé d’arrêter en mer et de visiter des navires. Quoi qu’il en soit des causes, le résultat a été un regrettable malentendu entre la France et l’Italie. La presse italienne presque tout entière s’est déchainée contre la France et son gouvernement avec une violence que l’énervement d’une longue guerre peut seul expliquer ; nous préférons, pour ne pas réveiller des polémiques qu’il vaut mieux oublier, n’en citer aucun échantillon. Attendons la fin de la guerre ; elle ramènera à de plus justes proportions les enthousiasmes et les colères du nationalisme de nos voisins. L’expérience, à mesure que les Italiens pénétreront dans l’intérieur de la Tripolitaine, leur montrera que ces steppes, ces déserts semés de rares oasis ne sont pas, — si l’on en excepte peut-être le plateau de Barca, — susceptibles de colonisation et que les possibilités économiques du Fezzan, de Rhadamès ou de Rhât sont à peu près nulles. Pour faire la police de la partie du Sahara qu’ils espèrent détenir bientôt, les Italiens auront tout intérêt à s’entendre avec nous. Les limites générales de nos possessions ont été tracées par la convention franco-anglaise du 21 mars 1899 et reconnues par l’Italie ; mais dans un pareil pays on ne trace pas de frontières, on ne se dispute pas quelques hectares de stérilité ; il suffira de savoir à qui appartiennent les oasis et les points d’eau et un accord devra intervenir, pour une collaboration amicale des deux polices sahariennes. De ce côté, l’entente sera nécessaire et nous espérons qu’elle sera aisée. L’avenir montrera qu’elle n’est pas non plus très difficile dans la Méditerranée. Les temps de l’Empire romain sont passés et personne, aujourd’hui, n’a le droit de dire de la Méditerranée : « Cette mer est à moi ! « La vérité politique, c’est l’équilibre méditerranéen, et c’est parce que la France estime qu’il ne sera pas rompu si l’Italie s’installe définitivement à Tripoli, à Benghazi et à Tobrouk qu’elle a toujours regardé ces côtes comme pouvant lui échoir un jour. Qui dit équilibre dit paix et non pas alliance. La paix de la Méditerranée est indispensable à l’Italie ; elle n’y peut faire une politique utile