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qu’en restant dans les conditions diplomatiques si avantageuses où elle se trouvait avant la guerre, c’est-à-dire associée à la Triple-Alliance, mais liée avec les puissances de la Triple Entente par des conventions particulières et par les doubles liens de la sympathie et de la communauté des intérêts. Avec l’Angleterre, l’Italie a depuis longtemps des engagemens concernant la Méditerranée. Si la presse anglaise s’est montrée un peu dure pour elle au début de cette guerre, le gouvernement ne l’a pas imitée. Il se préoccupe cependant de la commotion que la guerre donne à l’Islam et de ses répercussions en Egypte, au Soudan, et même dans la péninsule arabique. Grande puissance musulmane, comme la France, l’Angleterre appréhende tout ce qui peut provoquer une effervescence dans le monde islamique ; aussi, comme la France, souhaite-t-elle une prompte issue à l’entreprise italienne. Elle la désire aussi comme puissance maritime, car tout ce qui gêne la navigation et le commerce, surtout dans la Mer-Rouge et dans les Dardanelles, est contraire à ses intérêts. L’occupation de Rhodes et des iles de l’Archipel ionien n’est pas de nature à calmer ses appréhensions qui ne sont pas étrangères au voyage à Malte de MM. Asquith, Winston Churchill et de lord Kitchener.

Des trois puissances de la Triple Entente, c’est avec la Russie que l’Italie entretient les relations les plus intimes et les plus amicales ; aussi bien, aucune divergence d’intérêts, aucune rivalité ne peut-elle troubler ce bon accord, à la seule condition que les Dardanelles ne soient pas fermées. Dès les premiers jours des hostilités, le gouvernement de Pétersbourg s’est demandé si la guerre ne ferait pas naître pour lui l’occasion de poser cette question de la liberté des détroits qui a été longtemps l’objet de ses luttes contre les Turcs et qui garde encore une valeur traditionnelle et symbolique, bien que les termes du problème aient beaucoup changé depuis les temps de Catherine la Grande. La démonstration de l’escadre italienne à l’entrée des Dardanelles et leur fermeture par les Turcs sont venues tout récemment montrer l’importance objective que peut avoir encore pour la Russie, et même pour les autres puissances, la question de la liberté des détroits. Pour obtenir cette liberté, l’annexion de la Bosnie-Herzégovine et la proclamation de l’indépendance bulgare avaient déjà paru au Cabinet de Pétersbourg une occasion favorable : l’opposition de l’Angleterre fit échouer cette tentative. Avec la guerre italo-turque, la question reparut. La