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qu’au jour même de la mobilisation. Elles se constitueraient alors de toutes pièces, au moyen d’un noyau actif venu d’une unité-mère et noyé dans une masse de réservistes. Les officiers ne connaîtraient pas leurs sous-officiers ; les uns ni les autres ne connaîtraient leurs hommes ; ces troupes à l’état naissant viendraient s’intercaler entre des troupes de vieille formation. Dira-t-on que, pour atténuer entre celles-ci et celles-là la différence d’espèce, on aurait dès le temps de paix constitué et rattaché à l’unité-mère les gradés de l’unité de dédoublement ? Celle-ci souffrirait alors d’une pléthore de cadres ; l’existence d’un capitaine en deuxième à côté du capitaine en premier ou bien réduirait celui-là à une inaction complète, ou bien créerait entre l’un et l’autre une dualité fâcheuse dans l’ordre du commandement quotidien et de la préparation de la mobilisation.

Le fait est que, dédoubler des unités, c’est doubler les difficultés et les risques de la mobilisation ; c’est superposer aux troupes actives du temps de paix des cadres qui les alourdissent ; c’est les mêler en temps de guerre avec des unités improvisées qui ne les valent (pas et qui les rabaissent jusqu’à leur propre niveau. Dès lors, dire que le système présenterait « de grands avantages » est un euphémisme un peu fort. C’est dans cette même langue, c’est avec cet optimisme de commande qu’on se promit autrefois merveille de la loi de recrutement de 1903. L’intérêt de la chose publique exige aujourd’hui qu’on parle autrement. Si le Parlement qui vote les lois, si l’état-major qui les prépare, se renvoient l’un à l’autre le service de deux ans et le dédoublement, la réduction du service et la réduction du cadre, si chacune de ces diminutions présente à chaque fois « de grands avantages, » rien ne peut plus empêcher le pays de déraper sur la pente du désarmement.

Fort heureusement, le ministre réagissait en fait contre le mal auquel il.se résignait en parole. Entre deux maux possibles, il n’avait garde de choisir le pire, et plutôt que de supprimer des unités pour en grossir d’autres, il se décidait à les abaisser toutes parallèlement. Déjà ses deux prédécesseurs avaient proposé de réduire à 118 hommes l’état de la compagnie de ligne, à 90 hommes l’état de la compagnie de forteresse. M. Messimy renonçait à cette dualité dans les effectifs, et il annexait à son rapport un tableau qui ramenait toutes les compagnies, qu’elles