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tenir compte des manœuvres ni de l’intelligence de l’ennemi. C’étaient perpétuellement des retranchemens à emporter : les communaux tiraient avec acharnement, mais ils ne manœuvraient pas. On pouvait donc combiner les choses et prédire à jour fixe le dénouement de la crise. C’est ainsi qu’on a réussi finalement, — et sans un seul échec. Il y en aurait eu si l’on s’était pressé. Quant aux soldats, ils sont braves de nature : mais il faut que la cause les excite, qu’ils se sentent bien conduits. Ils avaient tout cela, et ils ont fait des merveilles. Enfin, c’était une guerre civile et nous y avons toujours excellé.

On nous dit que cette guerre est l’œuvre des étrangers, des repris de justice ; — les malins ajoutent : des Prussiens. Il y avait moins d’étrangers qu’on ne pense et on le voit maintenant ; il n’y a pas 150 000 repris de justice à Paris, et quant aux Prussiens ils ont trop peur de la Révolution, ils ont trop insisté pour le désarmement de Paris pour avoir mis les mains là dedans. Brûler des musées ne leur ressemble pas. Quand ils bombardent, ils tirent où ils peuvent. Mais des gens qui ont été maîtres de Versailles et n’ont pas dérangé un tableau, dérobé un bibelot, brisé un vase du parc, ne feraient pas brûler le Louvre ou abattre la Colonne. Ils ont trop peur qu’on ne les appelle Vandales et sentent trop où le bat les blesse. Ils nous ont trop reproché nos déprédations en Italie. Ils laissent piller et pillent une maison particulière isolée ; cela passera inaperçu ; on le mettra sur le compte du hasard ou des francs-tireurs ; mais les édifices publics et les collections, ils les respectent.

Après l’orage, le gâchis. Cela va mal à Versailles, ou plutôt cela ne va pas du tout. On ne fait rien. On est injuste pour M. Thiers. On pense beaucoup au duc d’Aumale : c’est l’inconnu cher aux étourdis et aux enfans. On validera son élection, et, une fois à la Chambre, il sera chef du pouvoir. Il est brave, il est honnête, il est français, très français et de son temps, c’est-à-dire sceptique avec de bonnes études ; il rendra de grands services pendant deux ans de provisoire : la nation fera de ce provisoire un définitif et il s’usera. Ce sera une nuichée de dix ans. Les chances de monarchie diminuent. Il importe assez peu que la fusion soit faite ou non entre les partis. Si la Chambre se déclarait constituante, décidait la monarchie, consultait le peuple par oui ou non, et rappelait le Comte de Chambord comme le monarque naturellement désigné, la fusion se ferait d’elle-même.