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Dans quelles dispositions se trouve-t-elle actuellement ? Est-ce l’esprit de résistance ou l’esprit de soumission qui prévaut chez elle ? On remarquera que la situation est bien différente de celle où nous avons vu la Chambre haute il y a deux ans, lorsque, après avoir rejeté une première fois le budget collectiviste de M. Lloyd George, elle s’est résignée à l’accepter. D’abord, il s’agissait d’une loi de finances et la Chambre des Pairs sait bien qu’en pareille matière, elle n’a pas le pouvoir d’amender les lois. Puis, il y avait urgence, car les services publics ne pouvaient rester plus longtemps sans être assurés. D’ailleurs, la Chambre était menacée d’une fournée de nouveaux pairs sans précédent et sans analogue. Il fallait éviter à tout prix une mesure qui eût noyé la pairie dans un bain de démocratie ; il fallait éviter au souverain un geste qui l’eût rendu ridicule devant l’histoire. Pour ces raisons réunies, lord Lansdowne capitula.

Aucune d’elles n’existe dans la circonstance présente. Per- sonne ne peut dénier aux pairs le droit de veto, — au moins suspensif, — en matière constitutionnelle. Personne ne peut soutenir qu’il y a urgence. Personne, enfin, ne peut songer à invoquer l’intervention du Roi pour forcer la main à la noble Assemblée. Elle est donc absolument libre de choisir entre les deux résolutions qui s’offrent à elle.

Supposons qu’elle se décide à repousser le bill. Nous le verrons reparaître l’an prochain et repasser à travers les phases qu’il vient de parcourir : première lecture, discussion générale ; deuxième lecture, discussion des articles et vote final. Tout ce qu’on a entendu, on l’entendra encore : indignations, ricanemens, menaces, cajoleries, objections et réponses, attaques et contre-attaques, toute la rhétorique et la sophistique parlementaire. Après quoi, la Chambre des Lords se donnera, une fois de plus, le plaisir de rejeter le bill qui obstruera, de nouveau, le programme législatif de l’année suivante. Cette fois, que les Lords le veuillent ou non, la loi passera et sera revêtue de la sanction royale. Le Home Rule deviendra un fait accompli, et le seul résultat de ce retard apporté à la réalisation des vœux de l’Irlande sera d’avoir assuré au Cabinet radical deux ans de confortable existence en laissant à son service ces quatre-vingt-quatre voix irlandaises, avec lesquelles il peut faire voter demain, s’il plait à M. Lloyd George, un income tax de vingt