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de jour, entraînerait des pertes pour l’escadre assaillante, surtout aux deux étroits tournans de Chanak-KilidBahr et de Nagara Bokala Kalehsi (Abydos et Sestos), où le détroit n’a plus que 4 200 et 1 800 mètres, avec un courant constant, du Nord au Sud, de 2 nœuds en moyenne.

L’entreprise serait particulièrement délicate si, aux difficultés résultant d’une artillerie de côte qui est au moins nombreuse, si elle est piètrement organisée, se joignaient les dangers toujours très graves que font courir aux coques plongées, aux « œuvres vives » des bâtimens, les mines sous-marines ou torpilles automatiques mouillées entre deux eaux, à la profondeur moyenne de 3 à 4 mètres.

On sait que, pendant la guerre italo-turque et au moment où la flotte italienne, avec l’assentiment plus ou moins explicite, en tout cas peu empressé de certaines puissances européennes, se rapprochait des Dardanelles, dans une attitude agressive, le gouvernement turc fit mouiller des engins de ce genre à l’entrée du détroit et aussi, sans doute, dans l’étranglement Chanak-Nagara. Il n’en fallut pas davantage pour éteindre toute velléité de forcement de la part des unités de combat italiennes et la randonnée de certains torpilleurs, incident autour duquel on fit quelque bruit, se réduisit à une courte incursion, de nuit, à l’ouvert de la ligne avancée Sedul Bahr-Koum kaleth (Château Neuf d’Europe-Château Neuf d’Asie).

Mais à peine les négociations d’Ouchy semblaient-elles en bonne voie, que l’Angleterre, la Russie, l’Allemagne se hâtaient de demander à la Sublime-Porte l’enlèvement des mines automatiques qui paralysaient complètement, dans les Dardanelles, la navigation commerciale.

Ces torpilles enlevées, on ne les y a plus remises. L’amirauté turque a supposé que l’artillerie suffisait à interdire le passage à une force navale qui, évidemment, est beaucoup plus modeste que la flotte italienne.

C’était cependant une imprudence, car, absolument libre de ses mouvemens dans la mer Egée, disposant, — elle en fait la preuve, — d’une sérieuse flotte à vapeur de commerce, la marine grecque pouvait, au lieu de transporter une division bulgare de Salonique à Dédéagatch, jeter une division grecque sur la côte Nord de la presqu’île de Gallipoli et faire tomber sans coup férir les ouvrages des Dardanelles en les prenant à revers.