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pas « tout le cruel fardeau que l’injustice, l’oppression et la tyrannie perpétuent depuis des siècles sur les artisans dont l’industrie est une source de prospérité publique. » Sans doute, ce sont surtout des bourgeois, ce sont les Six-Corps de Paris par leur mémoire du 1er novembre 1785, c’est le commerce qui, de Marseille, de Besançon, de Nevers le 10 décembre 1788, réclament, aux futurs États-Généraux, une représentation directe. Mais les ouvriers mêmes commencent à ne pas comprendre pourquoi, participant aux charges, ils sont absolument exclus de l’ « administration des villes. » N’y sont-ils pas intéressés, « comme consommateurs ? » « Leur condition, loin de les en éloigner, est pour eux un nouveau titre d’adoption. » Pourquoi refuser le service des citoyens « qui exercent des professions également utiles et honorables ? » Et, d’ailleurs, « l’Etat, pas plus que la cité, n’est fondé à se priver du concours des classes laborieuses. » Il ne devait pas y avoir, en principe, de cahiers spéciaux pour les ouvriers, et nous n’avons par conséquent que peu de cahiers de compagnons, celui des bonnetiers de Troyes et quelques cahiers de Marseille, notamment. Mais voici des pétitions, où il est manifeste encore que ce ne sont pas des « ouvriers » ou des « artisans » qui ont tenu la plume, mais où il est probable qu’on ne leur prête que le langage qu’en personne ils auraient désiré tenir. Voici d’abord la Pétition des 150 000 ouvriers et artisans de Paris (3 mai 1789) : « Au moment où la patrie ouvre son sein à ses enfans, pourquoi faut-il que 150 000 individus, utiles à leurs concitoyens, soient repoussés de leurs bras ? Pourquoi nous oublier, nous, pauvres artisans, sans lesquels nos frères éprouveraient les besoins que nos corps infatigables satisfont ou préviennent chaque jour ? Ne sommes-nous pas des hommes, des Français, des citoyens ? » Voici, ensuite, les Doléances du pauvre peuple, présentées au nom des « manouvriers, journaliers, artisans et autres, dépourvus de toute propriété ; » ils y déplorent que le choix des représentans du Tiers ne se soit exercé que parmi les propriétaires. « Nous appartenons, à la vérité, à l’ordre du Tiers-État (encore y aurait-il un étage, d’après Loyseau et Domat, et peut-être le mot de quatrième État est-il un peu plus qu’un mot), mais, parmi les représentans qui ont été choisis, il n’en est aucun de notre classe, et il semble que tout ait été fait en faveur des riches. » Voici enfin le Cahier du quatrième ordre, celui des pauvres journaliers...