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réclament un Code du travail, mais les patrons qui réclament un Code industriel. C’est vers eux, vers les patrons, vers les bourgeois, que penche le gouvernement, même révolutionnaire. « Soit pendant la période de la Convention, soit pendant le Directoire, remarque M. Gabriel Deville, le gouvernement intervient toujours, dans les mouvemens les plus calmes relatifs aux conditions du travail, contre les ouvriers. » La législation, en ces matières, se tient le plus souvent, et sauf une secousse ou un spasme, assez près de celle de l’ancien régime. C’est donc extérieurement la même chose, quoi qu’il y ait, au fond, quelque chose de changé, et que le fait, comme l’idée, agisse pour une transformation, pour un renversement des choses et des rapports, pour une « révolution. » La Révolution n’est pas précisément cette révolution, mais elle la cause, la détermine, la déclenche ; elle ne l’est pas, mais elle la fait. Le « grand ébranlement, » dont Auguste Comte lui restera reconnaissant, est donné. Tant que le Tiers-Etat a devant lui les deux premiers ordres, il se contracte pour ainsi dire et se raidit dans son unité ; demeuré seul, il sent aussitôt, au moins par intermittences, qu’il est divisé sur lui-même. D’abord les raisons d’unité l’emportent ; ensuite, les motifs ou les occasions d’antagonisme. D’abord refoulé ou caché, puis avoué, puis crié, puis conseillé et provoqué, l’antagonisme y est autant, ou même un peu plus, que l’unité.


II

La coupure ne doit pas se faire ici par époques ou par règnes : Consulat, Empire, Restauration ; Napoléon, Louis XVIII, Charles X. Du point de vue qui est le nôtre, on peut considérer comme une seule tranche d’histoire la période qui s’étend depuis le Consulat jusqu’au lendemain des journées de Juillet, jusqu’aux émeutes lyonnaises de 1831 et de 1834. Ce serait à peine forcer les termes que de l’appeler « la période saint-simonienne, » à la condition, quand on dit Saint-Simon, de ne point oublier Fourier, ni leurs émules ou imitateurs, et au préalable, de bien expliquer ce qu’on veut dire. Non point du tout que l’influence de Saint-Simon ou de Fourier ait été telle de leur temps, ni qu’ils aient agi pratiquement sur lui au point qu’ils aient mérité, l’un ou l’autre, de donner leur nom à leur temps. Nous