tout en restant un peu un homme qui se fait comprendre. : » De là chez tous, au moins l’amour ardent d’une poésie fluide, indéterminée, indécise, adroitement indécise et savamment indéterminée, qui suggère plutôt qu’elle n’exprime et qui suggestionne plutôt qu’elle ne renseigne. Renseigner pour un symboliste, même sur soi-même, est la dernière des vulgarités et un barbarisme. Ecoutez-les :
Pour la couleur, rien que la nuance,
dit encore, et admirablement, Verlaine. Et en effet la couleur
nette a quelque chose de cru qui efface tout mystère et même
toute vérité, la vérité étant faite de « dégradations aussi indiscernables que celles du cou de la colombe » et toute couleur
tranchée étant, par définition, artificielle.
De même encore et c’est la même chose, un certain flottement dans l’expression à la condition qu’il ne vienne pas de l’impuissance de l’auteur, mais de sa volonté d’être conforme aux choses et soumis à son objet, est une beauté ou plutôt une nécessité de l’art vrai. Verlaine :
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise.
Et l’on comprend bien que, du moment qu’il y a en même
temps méprise et choisir, il s’agit d’une méprise très volontaire
et très attentive :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’Indécis au Précis se joint.
Grise est bien mauvais et même faux ; c’est quelque chose
comme indécis ou fuyant qu’il nous faudrait ; mais on ne laisse
pas de comprendre.
Et enfin cette poésie sera éminemment, essentiellement individualiste. Cela s’entend assez bien. La méthode ici impose l’objet. Du moment que nous voulons être imprécis, mystérieux, fuyans, indéterminés, mêlés d’ombre légère et de lumière douce, crépusculaire, ce n’est guère qu’en nous que nous pouvons trouver ce délicat et séduisant clair-obscur, cet inconscient ou ce subconscient dont il s’agit de donner l’expression, ou plutôt l’impression fugitive. Certes, les choses ont leur inconscient, on peut même dire qu’elles en ont un qui est absolu ; mais