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sera peut-être le plus vrai, comme il arrive souvent au plus simple d’être le plus véritable, que tel qui fut longtemps vers-libriste était un classique sans le savoir et, quand il en est venu au vers traditionnel, s’est, tout simplement, retrouvé. C’est l’histoire de Sainte-Beuve devenant classique : il l’est devenu, parce que, quoi qu’il en crût, il l’avait toujours été.

En creusant, on s’aperçoit et l’on se convainc de ceci, qui n’est que partiellement vrai, mais qui l’est bien aux trois quarts, que le symbolisme a été une renaissance du romantisme, ou tout au moins une variété du romantisme. Il l’a été par ses haines, ce qui est déjà beaucoup. Comme le romantisme, il a détesté le matérialisme, le réalisme, le naturalisme ; aussi l’art pour l’art, dans le sens de l’art pour la forme et uniquement pour la forme ; nous avons vu que ses antipathies sont le Zolisme et le Parnasse.

A le prendre, non comme réaction, mais en soi, comme le romantisme, il a eu la prétention d’être une poésie individualiste, philosophique, symbolique et musicale. Voilà beaucoup de points de contact.

Individualiste, il l’a été par la recherche de l’inconscient, qui n’était rien que ce qu’on appelait en 1830 les « abîmes du cœur. » Philosophique, il l’a été ou a cru l’être en écoutant les voix lointaines de la philosophie allemande de son temps, comme le romantisme avait écouté les échos confus de la philosophie allemande du sien. (Par parenthèse on a reproché aux romantiques d’être des étrangers par leurs goûts, et aux symboliques d’être, pour la plupart, des étrangers par leurs origines mêmes.)

Symbolique, le romantisme l’avait été souvent avec complaisance et avec succès, et il est inutile de rappeler Vigny et le Pot de porcelaine, et le Choc des cavaliers de Gautier, et la Mise en liberté de Hugo.

Musical enfin, si le romantisme a été surtout pittoresque, il a été musical aussi à ce point qu’on peut dire qu’avec Lamartine, Hugo et même Vigny, il a tout simplement réintégré dans la poésie la musique qui n’en avait été bannie (Chénier faisant à peine exception) que depuis cent cinquante ans.

Ajoutez encore que les tentatives des symbolistes pour réformer la versification n’étaient qu’une suite de la réforme de Hugo, et que le « vers libre » n’est que la suite d’affaires, imprudente, je crois, maladroite peut-être, du « vers libéré. »