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— New-York ne vous plaisait pas ? demandai-je.

La réponse fut autre que celle que j’attendais.

— Je ne sais pas, dit-elle, après avoir hésité une seconde. Dire qu’il me plaisait tout à fait, je ne puis ; mais je ne puis pas non plus dire qu’il me déplaisait. Chaque novembre, j’y retournais volontiers, et je disais adieu sans regret aux collines de Sainte-Adresse.

— Parce que vous étiez sûre de les revoir six mois après.

— Peut-être. Mais le fait est qu’avec les premiers brouillards de l’automne, j’avais envie de revoir New-York. Il me semblait que je partais pour un voyage fantastique, vers une ville inconnue, hors du monde et du temps. Ce monsieur qui parle toujours a dit, le premier soir, que New-York lui semblait une cité astrale ! Eh bien ! sur ce point, il a raison : à moi aussi, il me semblait que je transmigrais dans une planète où tout serait à l’envers, et ces deux voyages, faits chaque année entre la terre et cette autre planète, m’amusaient énormément. Plaisir de l’aller, plaisir du retour. Car, je vous le confesse, bientôt New-York me fatiguait. Au bout de quelque temps, j’éprouvais le besoin de retourner sur la terre et de revoir les choses à leur place.

Elle se tut un instant ; puis, tout à coup :

— N’est-ce pas curieux ? On pourrait presque dire qu’à New-York il n’y a pas deux édifices qui se ressemblent. Eh bien ! quand j’y suis revenue depuis deux mois, cette variété excessive me pèse comme la plus désespérante monotonie. A Paris, au contraire, il y a une grande uniformité : des quartiers entiers sont construits avec la même architecture. Pourquoi donc Paris ne me fatigue-t-il jamais, me semble-t-il toujours divers ?

Cette observation était prise sur le vif ; mais, voulant continuer mon interrogatoire, je laissai la question sans réponse.

— Somme toute, repris-je, vous avez été heureuse jusqu’au moment où vous êtes allée habiter ce maudit hôtel de Madison Avenue. Mais alors pourquoi ne vouliez-vous pas épouser M. Feldmann ? Vous m’avez dit cela, l’autre jour.

Elle rougit légèrement, montra un peu d’embarras.

— Vous savez, j’étais très, très jeune, alors... Et puis, il y a tant de choses que les jeunes filles ignorent !... Frédéric fut amené chez nous par des amis qui voulaient arranger notre mariage. Ma première impression, à moi..., ce fut de rire. Il était si timide !