Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/604

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans celui de l’Autriche et de la paix, il est salutaire que les hommes d’État viennois aient eux-mêmes fixé la borne qui doit séparer les pays balkaniques et l’empire des Habsbourg.

La première conséquence de la non-réoccupation du sandjak de Novi-Bazar était excellente pour la paix du monde ; elle déterminait le programme de la politique austro-hongroise sur la base du désintéressement territorial. Dès le 6 novembre, le comte Berchtold en donnait l’assurance à M. Poincaré, mais il lui demandait de ne pas faire encore usage public de sa communication. Le 19 novembre, dans son discours aux Délégations, le ministre déclarait que l’Autriche « ne vise à aucune expansion territoriale, » mais se contente « de ne pas perdre de vue ses intérêts » et cherche « l’établissement de rapports sains et durables avec la monarchie voisine (Serbie). » Ces « intérêts » le ministre des Affaires étrangères de l’empereur François-Joseph allait, en plein accord avec son souverain, les prendre énergiquement en main et les défendre. Le premier moment de surprise et de désarroi passé, la diplomatie de l’Autriche, soutenue par celle de ses alliés et particulièrement de l’Allemagne, se ressaisit et cherche à renouer les fils de la trame embrouillés ou cassés par la victoire des alliés. On trouve partout les traces de son activité. A Constantinople, les ambassades d’Allemagne et d’Autriche soufflent la résistance et raniment les énergies ; des munitions arrivent par la Roumanie et la Mer-Noire ; on voit l’attaché militaire allemand sur les lignes de Tchataldja conseillant la défensive turque, tandis que la presse officieuse allemande s’efforce de prouver que la Bulgarie sera demain l’alliée naturelle de l’Allemagne et est appelée à devenir la Prusse des Balkans. Le jeu de l’Autriche, secondé par l’Allemagne, est, naturellement, d’isoler la Serbie en accordant à la Bulgarie tout ce qu’elle peut lui donner, en semant la mésintelligence entre les alliés et en exploitant toutes les causes de division qui peuvent surgir entre eux. S’il existe quelque accord secret entre Sophia et Vienne, le comte Berchtold aura pu le rappeler à M. Danef quand il a reçu sa visite à Budapest ; nous serions étonnés, pour notre part, que le roi Ferdinand se fût lié les mains par quelque engagement écrit ; on peut être assuré qu’il restera énergiquement fidèle à ses alliés balkaniques. Il faut attendre d’ailleurs, pour juger toute cette politique, que la crise soit terminée, la paix rétablie et le partage des dépouilles effectué ;