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aussi décevant. La France saura-t-elle garder et développer ses nouvelles colonies ?

Reconnaissons, tout d’abord, que ni les conditions ni les dispositions ne sont pareilles. La France actuelle a le sens colonial, elle a une volonté coloniale, elle a un point d’honneur colonial ; après avoir su faire les sacrifices nécessaires pour conquérir, elle saura les continuer pour organiser et pour défendre ; espérons qu’elle aura l’esprit de suite : tout est là.

II suffirait de comparer les résultats obtenus après quatre-vingts ans en Algérie, après trente ans au Tonkin et en Tunisie, après vingt ans à la Côte Occidentale, au Niger, au Congo, à Madagascar ; il suffirait d’opposer les 700 000 Français qui se sont installés, depuis 1830, dans notre Afrique du Nord, aux 55 000 qui, en deux siècles, s’étaient expatriés ou étaient nés au Canada, pour reconnaître que le progrès est infiniment plus rapide et plus « national. »

L’obstacle de la distance n’existe pas pour l’Afrique du Nord ; le climat n’a pas la rudesse des climats septentrionaux. Tout, dans notre nouveau domaine, est luisant et séduisant. Les terres orientales et méridionales exercent, sur l’homme du Nord, une attraction indicible. Même cette Indo-Chine lointaine n’est pas la moins fascinante : qui y a vécu veut y revivre.- L’Empire colonial français est un jardin d’Armide ; il appelle naturellement « ces hommes qui ont besoin d’espérance, » dont parlait Talleyrand.

Mais, le lien une fois créé, sa solidité tient à des raisons plus fortes : c’est, d’abord, la volonté de la nation de jouir de ce qu’elle a fondé ; ce sont les convictions ardentes de cette école d’hommes résolus qui ont vu, qui se sont formés eux-mêmes, qui entraînent chaque jour la jeunesse à la conviction « coloniale ; » c’est le rapide rendement économique de nos jeunes colonies ; c’est, enfin et surtout, la forte assiette que ces territoires offrent à la mère patrie pour les dominer et les défendre.

La France moderne a su faire les sacrifices nécessaires dans la période de l’occupation et la période de possession. Les expéditions d’Algérie, de Tunisie, du Tonkin, de Madagascar, du Sénégal, du Maroc, sont tout autre chose que les « secours » lamentables envoyés outre-mer par la France du xvii » et du XVIIIe siècle. Partout, dès le début, on a frappé le coup décisif nécessaire pour affirmer l’autorité.