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mais celui qu’enseigne la race, l’arrière-petite-fille de Louis XIV le possédait bien. Elle entrait dans le mariage pénétrée du principe religieux qui en est l’essence : la soumission à l’époux.

C’est l’observation rigoureuse de ce précepte, à l’heure où l’on était impatient de tout joug, c’est sa dignité réservée, son effacement volontaire, c’est toute cette force enfin, prise pour de la faiblesse, qui durent à la Duchesse d’Orléans d’apparaître comme douée d’une nature froide, sans originalité, sans relief. Ses lettres apprendront la valeur de ce jugement.

Le jeune ménage fut d’abord heureux. La naissance du Duc de Valois, le futur Louis-Philippe[1], suivie, à deux années d’intervalle chacune, de celle du Duc de Montpensier, de deux jumelles, Mesdemoiselles d’Orléans et de Chartres, enfin celle du Comte de Beaujolais, semblent devoir affermir un bonheur qui permet à Louis-Philippe-Joseph de manifester la seule qualité qu’on ne lui dénia jamais : d’être un excellent père.

Peu s’en fallut même qu’il ne passât, par surcroit, pour un excellent époux.

C’est alors que Félicité du Crest, comtesse de Genlis, entre en scène, avec sa harpe, sa beauté, sa souple intelligence. Il faut y joindre cet art de converser qui fit dire plus tard : « Le mot aimable semble avoir été créé pour la conversation de Mme de Genlis. »

Ainsi armée, elle franchit la porte du Palais-Royal, par où passèrent en même temps les discussions, les querelles, la ruine de tout bonheur conjugal.

La réputation du savoir de Félicité du Crest, qui ne s’embarrassait pas de scrupules de modestie, commençait à s’établir. Elle était bien, quoiqu’elle s’en défendit plus tard, fille de l’Encyclopédie. Encyclopédique était son cerveau, certes robuste, mais à la manière d’une machine aux ressorts bien établis.

Sa singulière éducation, qu’elle dépeint dans ses Mémoires, n’avait d’abord développé que son imagination qui, prenant les ailes du costume grotesque dont, enfant, elle fut affublée On sait que Félicité du Crest fut, pendant une période de son enfance, habillée en amour. </ref>, la porte à toutes les connaissances sans qu’aucune ne la fixe d’abord. Ouvrière diligente et avisée, elle engrange ; la récolte

  1. On lui donna le titre de Duc de Chartres quand son père devint Duc d’Orléans.