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était comme le portique, par où s’ouvrait le plus merveilleux et le plus colossal ensemble d’architectures que l’ancien monde ait connu. La Rome moderne n’offre rien qui en approche, même de loin. Dominant le forum romain et le forum des Empereurs, — dédales de temples, de basiliques, de portiques et de bibliothèques, — le Capitole et le Palatin surgissaient comme deux montagnes de pierre travaillée et sculptée, sous l’entassement de leurs palais et de leurs sanctuaires. Tous ces blocs enracinés dans le sol, suspendus et pyramidant aux flancs des collines, ces alignemens interminables de colonnes et de pilastres, cette profusion de marbres précieux, de métaux, de mosaïques, de statues, d’obélisques, — il y avait dans tout cela quelque chose d’énorme, une démesure qui inquiétait le goût et qui terrassait l’imagination. Mais c’était surtout la surabondance de l’or et des dorures qui étonnait le visiteur. Dès ses origines besogneuses, Rome s’était signalée par son avidité de l’or. Quand elle put disposer de celui des nations vaincues, elle en mit partout, avec un faste un peu indiscret de parvenue. Néron, en bâtissant la Maison d’or, réalisa son rêve. Elle eut des portes d’or pour son Capitole. Elle dora ses statues, ses bronzes, les toitures de ses temples. Tant d’or, répandu parmi les surfaces et les arêtes brillantes des architectures, éblouissait et fatiguait les yeux : Acies stupet igne metalli, dit Claudien. Pour les poètes qui l’ont chantée, Rome est la Ville d’or, — aurata Roma.

Un Grec, comme Lucien, avait peut-être le droit de se scandaliser devant cette débauche architecturale, cette beauté trop écrasante et trop riche. Un rhéteur de Carthage comme Augustin n’éprouvait à cette vue que l’admiration chagrine et secrètement jalouse de l’empereur Constance, lorsque, pour la première fois, il visita sa capitale.

De même, sans doute, que le César byzantin, et que tous les provinciaux, il passa en revue les curiosités, les monumens célèbres qu’on signalait aux étrangers : le temple de Jupiter-Capitolin, les thermes de Caracalla et de Dioclétien, le Panthéon, le temple de Rome et de Vénus, la place de la Paix, le théâtre de Pompée, l’Odéon et le Stade. S’il s’en ébahissait, il songeait aussi à ce que la République avait tiré des provinces, pour édifier ces merveilles, il se disait : « C’est nous qui les avons payées ! » En effet, tout l’univers avait fourni, pour que Rome