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que la Syrie : une bonne police qui garantisse les paysans sédentaires contre l’oppression et les pillages des nomades, des canaux d’irrigation multipliés et prudemment réglementés qui rendent à la terre sa fertilité proverbiale, c’est tout ce dont elle a besoin pour le moment. La péninsule arabique est plutôt, pour l’Empire, une colonie lointaine dans laquelle il convient de laisser, sous le haut contrôle du gouvernement central, les chefs de tribus, les hauts personnages religieux, exercer une autorité qu’il serait d’ailleurs vain de chercher à leur enlever. En Syrie même, il est aisé de distinguer plusieurs régions, qu’il serait impolitique d’unifier administrativement. Le Liban entend conserver son statut spécial, garanti par les traités ; il souhaiterait même de s’agrandir, d’englober les villes de la côte, Beyrouth, Saïda, Tripoli et quelques villes de l’intérieur comme Baalbek. Beyrouth enchâssée dans le Liban, est peuplée de Libanais catholiques, maronites ou melchites en majorité ; elle est le port naturel du Liban, et c’est au Liban qu’elle doit sa prospérité : il semble anormal, dans ces conditions, de l’en laisser séparée. Outre le Liban chrétien, on trouverait en Syrie les élémens de trois autres groupemens : les Nousaïris, qui habitent la montagne Ansarieh et dont Latakié est le port ; le pays peuplé par des musulmans sunnites, dont les principaux centres sont Damas, Alep ; ce serait le groupement le plus nombreux. Reste la Palestine, où l’élément arabe, plus mélangé, plus lourd, est resté à l’écart du mouvement général ; elle pourrait constituer une unité administrative, où les juifs exerceraient l’influence que leur assurerait leur nombre.

Enfin, pour le moment, un élément reste encore inapte à toute organisation et ne relève que d’une bonne police : ce sont les nomades. Il est bien difficile de les dénombrer ; ils sont peut-être 80 ou 100 000 ; c’est une armée toujours mobilisée par tribus, avec ses chefs naturels ; ces bédouins représentent pour l’avenir une réserve considérable dans laquelle celui qui saurait gagner leur confiance trouverait dès maintenant une force redoutable. Les Arabes nomades sont peut-être l’élément le plus pur et le plus énergique de la race. Un gouvernement composé d’hommes de leur sang et de leur langue pourrait seul réussir à les fixer ; l’extension des terres cultivables par une bonne méthode d’irrigation, l’accroissement de la prospérité écono-