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moderne à l’Église, au lieu de se plaire à l’excommunier. Mais nous veillions à ne jamais soutenir des doctrines condamnées ou nous servir des expressions mal vues à Rome. Ainsi, nous avons toujours répudié la qualification de catholique libéral. »

Cette via média, infiniment honorable et sage, expose presque toujours ceux qui veulent s’y tenir à recevoir des brocards et des horions des deux camps extrêmes : double danger plus particulièrement redoutable à l’époque du concile du Vatican, où les polémiques religieuses étaient montées à un ton inouï de violence. Bien que le Français eût protesté à l’avance de son respect pour les décisions conciliaires, bien qu’après la définition il se fût incliné en termes exempts d’ambiguïté comme d’arrière-pensée, les zelanti ne pouvaient lui pardonner de ne point s’associer à leurs exagérations d’enthousiasme et souvent de servilité, à leur monomanie de délation, à leur prodigalité d’anathèmes. Il y eut de ce côté de nombreuses et vives polémiques, où Paul Thureau-Dangin prouva que, pour reculer devant les trivialités et les personnalités, sa verve n’en était pas moins alerte et mordante ; on lui répliqua par des insultes ou des calomnies. De là, dans une portion du clergé, de persistantes préventions, qui survécurent même au concile et à la chute de l’Empire : en 1871 et 1874, il se trouva un évêque pour interdire à ses prêtres la lecture du Français ; vers la même époque, un religieux, prêchant une retraite aux « Enfans de Marie » de Quimper-Corentin, croyait devoir leur déconseiller une feuille aussi subversive !

Dans le parti opposé, pour s’exprimer avec moins de retentissement, les reproches n’étaient guère moins âpres. A l’automne de 1869, dans une lettre d’ailleurs débordante d’affection, Montalembert écrivait à Thureau-Dangin, avec cette fougue d’hyperbole qui fut jusqu’au bout la caractéristique de son tempérament : « Depuis quarante ans que je vis dans la presse et par la presse, je n’ai jamais vu un journal répondre plus mal à la mission qu’il s’était donnée. » Pendant le concile, comme le Français, par la plume de Thureau-Dangin, se prononçait avec insistance, avec indignation même, contre toute ingérence des gouvernemens européens dans la délibération, un des principaux évêques « anti-opportunistes » se plaignait si vivement qu’il fallait lui dépêcher Beslay pour apaiser son courroux ; de Florence, l’ambassadeur malgré lui transmettait à son ami d’humoristiques