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il me répondit très sérieusement qu’il avait été chargé de l’intérim précisément pour ne créer aucun préjugé en faveur de l’un des candidats éventuels, et parce qu’il ne saurait être question de lui. Pourtant, quand Gaston Boissier succomba à la fin du printemps de 1908, ce fut à Thureau-Dangin que pensèrent presque tous ses confrères pour occuper une succession qui n’était échue à aucun historien depuis Duclos, au milieu du XVIIIe siècle : encore Duclos avait-il été non seulement un annaliste, mais encore un philosophe, un « moraliste » à la mode de son temps, je veux dire un conteur de badinages immoraux ; tandis que dans l’œuvre considérable de Thureau-Dangin il n’y avait, grâce au ciel, rien qui de près ou de loin pût se comparer à Acajou et Zirphile.

Il commença par décliner les premières ouvertures ; comme on insistait, il déclara n’accepter la candidature que si son élection devait manifester le vœu général de la Compagnie, et ne pas constituer une victoire de parti. Élu en effet, le 25 juin 1908, par 20 voix sur 27 (des morts nombreuses avaient alors éclairci les rangs de l’Académie), il tint à affirmer, dans son bref remerciement, qu’il se considérait investi de ce poste d’honneur et de confiance « non pour servir ses idées particulières, mais pour servir l’Académie. »

Comme toujours, il tint scrupuleusement parole. L’ancien rédacteur du Français, qui s’était ardemment mêlé à tant de vives et parfois de rudes polémiques, l’écrivain auquel on avait pu reprocher son âpreté dans la discussion, fut le secrétaire perpétuel le plus impartial, le plus soigneux de ménager les sentimens de tous ses confrères ; très différente de la méridionale expansion de son prédécesseur, sa discrète aménité fit merveille, comme aussi son esprit d’administration. Ses rapports publics annuels sur les prix, rédigés avec l’atticisme de langage dont il ne s’était jamais départi, même dans les besognes hâtives du journalisme, étaient également exempts de tout exclusivisme. Sans déguiser ses préférences esthétiques ni surtout ses convictions intimes, il se plaisait à rendre justice au mérite des œuvres qui procédaient d’une école ou d’une inspiration différente. Fidèle à sa prédilection pour l’histoire et les livres d’histoire, il n’avait garde de s’y cantonner ; tel de ses rapports se termine sur un vibrant appel aux jeunes poètes ; c’est lui, d’autre part, qui prit l’initiative de la fondation du grand prix