Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

littéraire, destiné à assurer aux œuvres d’imagination l’équivalent du prix Gobert.

S’il avait renoncé à écrire désormais des livres de longue haleine, son activité demeurait inlassable, au secrétariat perpétuel, à la commission administrative de l’Institut, au Correspondant, à Saint-Gobain, dans toutes les œuvres qui réclamaient son concours. Passionné de vieille date pour les voyages, pour les courses alpestres, il s’était pris sur le tard d’un goût très vif pour les longues excursions en -automobile, réchauffant par exemple sur les routes d’Ombrie les enthousiasmes de sa jeunesse et les communiquant à ses enfans. Une brusque atteinte de pneumonie, qui l’avait, à l’automne de 1909, frappé à Athènes et contraint d’interrompre une croisière archéologique en Orient, ne semblait point avoir altéré ses forces ni ébranlé sa sérénité. Il n’avait jamais eu l’apparence robuste, et les années avaient légèrement infléchi sa haute taille, assourdi davantage le timbre de sa voix, qui était devenu plus pénétrant encore ; mais, à le voir marcher d’une allure rapide, dépouiller son courrier d’un coup d’œil investigateur, entretenir avec ses visiteurs cette conversation toujours si alerte, si pleine d’idées et de faits, on avait la sensation plutôt d’une maturité prolongée que d’une verte vieillesse.

En novembre 1912, un refroidissement insignifiant dégénéra en grippe tenace. Il lui fallut renoncer à donner lui-même lecture de son cinquième rapport sur les prix académiques, le plus éloquent, le plus personnel peut-être qu’il ait composé. Puis, comme les forces ne revenaient point, il dut s’imposer le dur sacrifice d’abandonner un article ébauché pour le prochain centenaire d’Ozanam, Ozanam l’ami et le compagnon d’œuvres de son père, Ozanam que lui-même s’était souvent proposé pour modèle.

Cependant la maladie, officiellement terminée, avait fait place à un état de langueur plus préoccupant. Le convalescent se flattait de recouvrer sa vigueur sous le climat du Midi, qui naguère, en plus d’une circonstance, l’avait moralement et physiquement réconforté ; il était dans les mêmes dispositions que lorsque, trente années plus tôt, il écrivait à un ami : « Je suis pris d’une véritable nostalgie de beau soleil, de belle lumière, de beaux horizons. J’ai soif de la Californie, de Saint-Honorat, de la Croix des Gardes ! » Il se réjouit en effet de retrouver le