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ou il apprendra qu’elle a été séduite par un autre : raison de plus pour l’épouser. Mères qui rêvez pour vos fils un mariage délicieux, donnez une institutrice à vos filles !... Peu à peu, on s’est aperçu que le conseil ne laissait pas d’être scabreux. Et comme c’est assez l’habitude de passer d’un extrême à l’autre, voici que le roman et le théâtre se mettent à dire : « Mères qui craignez qu’on détourne vos fils et qu’on accapare vos filles, épouses qui ne vous souciez pas qu’on vous vole votre mari, femmes qui désirez la paix et la dignité au foyer, maîtresses de maison qui ne voulez pas que votre maison soit désorganisée, livrée à l’anarchie et à la ruine, ne prenez pas d’institutrices pour vos filles ! L’institutrice, voilà l’ennemie. Que si, non contente d’être institutrice, elle est étrangère... alors à la haine de classe elle ajoute la haine de race, et les pires catastrophes sont à redouter. » Qui l’eût cru ? que la gouvernante anglaise fût un tel danger et la bonne allemande un tel fléau ? Nous en avons tous connu, de ces misses et de ces fraülein, et il n’est que de regarder autour de nous dans beaucoup de familles, dont il est vrai que ne parlent ni les faits divers ni la Gazette des Tribunaux. Ce sont pour la plupart de pauvres filles qui font un dur métier, subissent beaucoup d’humiliations, courent plus de dangers qu’elles n’en font courir et semblent moins à craindre qu’elles ne sont à plaindre. Telle est la réalité, mais il est évident qu’elle n’intéresserait pas au théâtre. Quant au conseil donné aux mères d’élever elles-mêmes leurs filles, il est excellent ; on ne saurait trop y insister : c’est le conseil de la nature, c’est la leçon de la morale, c’est l’enseignement de la tradition. Seulement, il en va de ce conseil comme de celui que M. Brieux donnait aux mères d’allaiter elles-mêmes leurs enfans : il faut pouvoir. On ne peut pas toujours, et d’abord on n’a pas toujours la santé nécessaire. C’est pourquoi, en dépit des réclamations de la littérature, il y a de l’avenir en France pour les institutrices comme pour les nourrices — même étrangères.

Quand on n’a pas vu les Anges gardiens à la Comédie-Marigny, on n’imagine pas ce que d’aimables filles, évidemment vomies par l’enfer, peuvent accumuler d’abominations en quatre heures d’horloge. Chacune commettra des tas d’horreurs, et ce seront des horreurs assorties à sa nationalité. Voici une anglaise : Fanny. La psychologie des races, surtout quand le psychologue est Français, nous apprend que l’Anglais est égoïste et impérieux, et nous savons par les statistiques que l’Angleterre est le pays où il y a le plus de vieilles filles. Partant de là, vous voyez aussitôt se dessiner le rôle de Fanny, institutrice anglaise. Elle prend sur l’âme de son élève, Berthe Aumont,