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faire naître ces proprio motu de l’Autriche et de l’Italie, voyons en quoi a consisté la démarche faite à Athènes.

Comme celle de l’Autriche à Belgrade, elle se rattache à la limitation de l’Albanie : au Nord, cette limitation intéresse particulièrement la Serbie et l’Autriche, au Sud, la Grèce et l’Italie. Si on remonte aux antécédens historiques, il est assez naturel que l’Autriche, qui n’a jâpiais passé pour être favorable au développement des nationalités et qui en a toujours opprimé quelques-unes, n’ait aucun scrupule à refouler la Serbie en deçà de ses frontières naturelles et ethnographiques : il faut bien d’ailleurs que l’Albanie, qui n’est rien, soit faite avec quelque chose. Mais l’Italie est, au contraire, le produit le plus éclatant qu’il y ait en Europe du principe des nationalités et il y a quelque chose de plus imprévu de sa part que de celle de l’Autriche à l’acharnement avec lequel elle veut enlever à la Grèce et lui enlève en effet des territoires incontestablement helléniques. Imprévu, disons-nous : le mot est-il bien juste ? L’Italie est avant tout un pays politique : il s’est servi du principe des nationalités lorsque ce principe lui a été utile ; il en fait fi lorsqu’il y trouve une gêne et une limite à la réalisation de ses vues nouvelles. On serait naïf de s’en étonner. Ce qui rapproche, — pour le moment, — l’Autriche et l’Italie, c’est l’intérêt commun qu’elles croient avoir à empêcher de se développer l’une la Serbie, et l’autre la Grèce. Dès lors, le principe des nationalités ne pèse pas plus qu’un fétu dans la balance des résolutions italiennes. A la manière de l’Autriche à l’égard de la Serbie, elle se prend à craindre que la Grèce ne deienne trop forte dans la partie des Balkans qui confine à l’Adriatique et cette préoccupation détermine sa politique. L’Autriche et elle ont donc fait une démarche à Athènes pour se plaindre des obstacles que les populations grecques de l’Épire opposent à la Commission de délimitation nommée par l’Europe, et, résolues, disent-elles, à donner une sanction à cette démarche, elles ont fait savoir que, partout où l’œuvre de la Commission serait entravée, elles considéreraient que la population était albanaise et que le territoire devait, sans autre forme de procès, appartenir à l’Albanie. Enfin, la Conférence des ambassadeurs à Londres ayant décidé que l’œuvre de la Commission devrait être terminée le 30 novembre et que les territoires actuellement occupés par la Grèce, mais qui seraient finalement dévolus à l’Albanie, devraient être évacués le 31 décembre, les deux Puissances ont déclaré que ces deux dates étaient intangibles et qu’elles n’accepteraient, en aucun cas, une prolongation des délais fixés. La Grèce a répondu que, si la Commission de délimitation avait