Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et sans prendre conseil de personne, j’écris à M. Briand, président du Conseil.


Charmes, le 4 janvier 1910.

« Monsieur le Président du Conseil,

« M. le maire de Grisy-Suisnes vient de mettre en adjudication les dépouilles de son église communale. C’est le commencement. D’année en année, nous allons voir les édifices religieux s’écrouler, d’un bout à l’autre de la France. Allez-vous assister, les bras croisés, à cette transformation de la face de notre pays ?

« Je vous entends, vous me répondez que c’est la faute du Pape. Je ne veux pas entrer dans ce débat. Vous êtes au pouvoir pour sauvegarder toutes les richesses et tous les intérêts français. Nos églises sont au premier rang de nos richesses de civilisation. Nous les avons reçues de nos aïeux, nous devons les transmettre à nos fils ; nous n’avons pas à nous laisser étourdir par ceux qui les déclarent inutiles. Tous les hommes de culture en France et à l’étranger refusent d’admettre qu’il se trouve un gouvernement assez barbare pour détruire ces sources de vie spirituelle. N’allez pas me dire que vous sauvegardez les églises les plus précieuses. Qui donc peut juger de leur prix, et la plus modeste n’est-elle pas infiniment précieuse sur place ? Que m’importe que vous conserviez une église plus belle à Toulouse, si vous jetez bas l’église de mon village ?

« Je ne veux pas croire que vous acceptiez avec indifférence ces débuts d’une ère de vandalisme. Il n’est pas possible que de si grandes choses, qui intéressent l’histoire et l’âme de la France, soient sacrifiées ignoblement au cours d’une querelle politique.

« Veuillez recevoir, Monsieur le Président du Conseil, l’expression de mes sentimens très distingués.

« MAURICE BARRÈS. »


Mon courrier me prouve aussitôt que mon inquiétude répond à une émotion générale. De toutes parts des correspondans connus ou inconnus m’envoient des encouragemens. Ce matin voici une lettre d’Henry Cochin, le député du Nord (pour l’arrondissement de Bergues, jadis illustré par Lamartine) et