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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/635

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Malgré les vifs désirs des officiers et de la troupe, la » colonne Des Zaër » tentait rarement de les déranger dans ces occupations. Son chef exécutait avec un sang-froid imperturbable le programme qui lui était imposé. Décidé à laisser après son départ un poste en état de se défendre seul, il ne voulait pas perdre son temps à guerroyer. Vers Sidi-Kaddour les convois affluaient, apportant des approvisionnemens et des matériaux. Les soldats, les gradés qui n’étaient pas employés aux escortes dérochaient le plateau, dressaient avec les blocs un mur d’enceinte en pierres sèches, transformaient le vallon en jardin potager, creusaient un puits, construisaient un abreuvoir. Les fantasias quotidiennes de l’ennemi, que suffisaient à rendre inoffensives les coups de canon tirés avec largesse, le va-et-vient des indigènes qui venaient au camp pour commercer, se soumettre ou parlementer, suscitaient bien chez les travailleurs des troubles de conscience néfastes pour l’activité des chantiers. Sollicitées à la fois par un zèle sans excès et par une intense curiosité, les équipes abandonnaient sans cesse la pioche et la barre à mine pour suivre du regard les flocons d’ouate des obus, pour discuter les manœuvres des groupes lointains de guerriers, pour épier le retour au bercail de quelques dissidens. Mais en six semaines, des vivres pour trois mois étaient amoncelés sous les marabouts de l’intendance, un rempart haut de deux mètres protégerait la future garnison contre les surprises, le premier bâtiment du réduit sortait du sol rocheux, et, quoique maçonné avec de la glaise, il enlevait leurs dernières illusions d’indépendance aux indigènes encore indécis. La colonne, diminuée des effectifs qu’elle devait laisser à Sidi-Kaddour, pouvait donc s’éloigner vers le Nord où se préparait une concentration de toutes les troupes rendues disponibles par la pacification de Marrakech. On pensait alors que 6 000 hommes ne seraient pas de trop pour réduire le millier de Zemmour et de Zaër indomptés qui usaient leurs dernières cartouches et leurs derniers chevaux autour des postes entre Maaziz et Meknès.

Enfin, la colonne s’ébranla dans la direction de Camp-Marchand pour aller au rendez-vous. Elle contournait le massif montagneux où, d’après les avis d’émissaires, les ennemis voulaient lui offrir le combat. Elle aspirait à sa suite une partie des douars qui s’étaient peu à peu groupés autour du camp. Tout à fait rassurés par la création de Sidi-Kaddour, ils allaient reprendre