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exprimer simplement en unités métriques et avec l’approximation voulue les cotes exprimées jusque-là dans les anciennes unités, — ce qui nécessite seulement le remplacement des tables et des instrumens de mesure. Puis, lors de la construction des machines nouvelles, on arrondit autant que possible les anciennes cotes de manière à les exprimer par des nombres simples. Comme l’a remarqué M. Ch.-Ed. Guillaume, c’est ce qui arrive par exemple pour les canons : les pièces de 12 inches de la Marine britannique sont pratiquement identiques aux canons de 305 des autres marines. L’expérience a d’ailleurs prouvé que les quelques dépenses et pertes de temps occasionnées par cette réforme sont rapidement compensées par les simplifications qu’apporte avec elle la structure décimale du système métrique.

Le second et principal argument antimétrique des hommes d’affaires anglo-saxons est plus important et mérite d’autant mieux qu’on s’y arrête que nous allons le voir se retourner contre, ceux-là mêmes qui l’emploient. Cet argument, que des idéalistes considéreraient peut- être comme un peu cynique, s’il pouvait y avoir des idéalistes en affaires, a été très bien mis en valeur récemment par sir Frederick Bramwell, qui est un des ennemis les plus irréductibles de la réforme. On peut le résumer de la façon suivante : nous, industriels britanniques, avons un avantage sur les étrangers, parce que (nous arrivons aisément à comprendre leurs mesures, tandis qu’ils n’arrivent jamais à comprendre les nôtres. En outre, les industriels des pays métriques rencontrent sur les marchés d’Extrême-Orient des obstacles dus au fait que les poids et mesures britanniques sont répandus dans ces régions ; cette circonstance donne à nos commerçans et à nos industriels un avantage sur ceux des pays métriques qui cherchent à conquérir ces marchés.

Cet argument qui place le problème sur son véritable terrain, celui de l’intérêt britannique, était certainement soutenable, il y a quelques années encore. Mais nous venons de voir que les pays d’Extrême-Orient, le Siam, le Japon, la Chine, en procédant à la réforme de leurs mesures, n’ont pas fait la moindre place aux unités britanniques. C’est d’autant plus caractéristique que, en Chine notamment, de nombreux commerçans anglais avaient engagé à Pékin une campagne énergique en faveur du système britannique. Cela n’a pas empêché le projet de loi dont nous avons parlé et qui y rend obligatoire le système métrique. Ainsi, et à bref délai, et par la force des choses, les nations métriques verront leur commerce en Extrême-Orient avantagé par rapport à l’Angleterre, du fait même que celle-ci n’aura pas