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« carat métrique » défini comme étant égal à deux décigrammes. Cette mesure est appliquée en France depuis le 1er janvier 1911. A la suite de notre pays, la plupart des autres ont adopté la même mesure, notamment certains comme les États-Unis, le Japon où le système métrique n’est, pourtant, pas obligatoire.

Il serait exagéré de croire que le système métrique décimal, tel que la Convention l’avait imaginé, est aujourd’hui appliqué intégralement en France. Deux exceptions, et non des moindres, le démontrent, qui concernent l’une la subdivision de la circonférence, l’autre la mesure du temps. La Convention avait décidé, sur l’avis de la commission de savans éminens qui préparèrent son projet, que le quart de la circonférence serait dorénavant subdivisé en 100 grades, comprenant chacun 100 minutes décimales de 100 secondes décimales. Cela constituait un progrès évident sur la division encore usitée et pourtant bien baroque et compliquée de l’angle droit en 90 degrés de 60 minutes dont chacune comprend 60 secondes. Il n’y a aucun rapport simple entre ces dernières quantités, et aucun rapport avec le bel ensemble du système métrique. Dans le projet conventionnel au contraire, outre la subdivision décimale on avait l’immense avantage que chaque grade du méridien valait exactement 100 kilomètres, chaque minute 1 000 mètres, chaque seconde 10 mètres. Ces avantages sont si évidens que l’État-Major de notre armée n’a pas hésité à établir récemment sa célèbre carte au 1/80 000 en subdivisant le quart de cercle conformément au projet de la Convention. Il est malheureusement à craindre que cette adhésion éclatante, mais isolée, n’entraîne pas de sitôt une réforme qui heurterait bien des routines. Enfin nous continuons à subdiviser le jour en 24 heures de 60 minutes de 60 secondes, au lieu de 100 heures de 100 minutes de 100 secondes qu’avait décidé la Convention. C’est regrettable à divers égards.

Mais il ne se faut point plaindre trop de ce qu’une œuvre humaine soit incomplète. Celle qu’a réalisée le système métrique est une des plus belles et des plus utiles que l’esprit humain ait accomplies. Elle prouve, n’en déplaise aux dénigreurs systématiques, que la France n’exporte pas seulement dans le monde des chansonnettes, des comédies et des robes. Si jamais le monde pensant devait avoir cette douleur devoir la France rayée du nombre des nations comme une nouvelle Pologne, le système métrique, clair reflet du génie français, la ressusciterait sans fin dans les pensées et le langage quotidien des hommes.


CHARLES NORDMANN.