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Prenez-vous votre parti de ces destructions ? Vous semble-t-il admissible que le caprice d’un jour et le complot d’une secte jettent bas ce qui est une œuvre des siècles et une des plus profondes pensées de notre pays, je veux dire cette immense végétation d’églises ?

Et qu’il n’y ait pas d’équivoque ! Je ne m’adresse pas au sous-secrétaire d’Etat des Beaux-Arts, mais au chef du gouvernement. Je ne viens pas parler pour les belles églises. Je veux croire aujourd’hui que leur beauté les préservera, ou plutôt, — car mon enquête m’a prouvé que par centaines elles sont en danger, — j’ajourne ce débat spécial. Aujourd’hui je vous demande la sauvegarde pour toutes les églises, pour celles qui sont laides, dédaignées, qui ne rapportent rien aux chemins de fer, qui ne font pas vivre les aubergistes... (Exclamations ironiques à gauche. — Mouvemens divers.) Je vous demande la sauvegarde pour toutes les églises, pour celles-là mêmes dont personne ne dit : « Quelle belle salle de bal cela ferait, quel musée ! Il faut la conserver. » Enfin, je viens parler en faveur des églises qui n’ont pour elles que d’être des lieux de vie spirituelle.

J’ai hésité à me charger de cette tâche. Je me demandais si l’honneur de défendre les églises, je ne devais pas le laisser à ces collègues, éminens par leur talent de parole et par leur science ^juridique, qui appartiennent à un parti confessionnel. : Mais il m’a paru que l’argument catholique qu’ils feront valoir risquerait de ne pas trouver ici un écho chez tous. Au contraire, je veux m’appuyer sur des sentimens que partage la quasi-unanimité de cette Assemblée. Oui, j’imagine qu’il y aurait moyen de produire, en faveur des églises de France, plusieurs argumens qui peuvent, qui doivent être accueillis par chacun de nous à quelque parti qu’il appartienne. (Très bien ! Très bien ! au centre et à droite.)

Je me bornerai toutefois à l’une des raisons qui me persuadent le plus moi-même.

La pensée profonde qui m’attache aux églises, c’est une pensée qui est familière à tous les membres de la majorité. Je viens me placer au centre de votre programme. Cette pensée, cette thèse sur laquelle je veux m’appuyer, la démocratie moderne l’a héritée de la philosophie du XVIIIe siècle.

C’est votre thèse que tout homme a droit à l’épanouissement de toutes ses facultés. C’est la thèse qui relie les philosophes du