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le sommet où je la vois moi-même, au centre du village et bien au-dessus de ses querelles. Par liasses les lettres m’arrivèrent.

Et d’abord des communes scandaleuses que j’avais citées à la tribune. La petite troupe des fidèles y redoublait ses gémissemens accrus d’un beau cantique d’espérance. Cette lumière soudain projetée de si haut, à travers toute la France, sur le pauvre édifice et ses vils ennemis avait produit l’effet d’un coup de talon dans une fourmilière. « Tout s’agite chez nous, m’écrivait-on, et, des quatre coins du département, c’est un but d’excursion, le dimanche, de venir voir la muraille lézardée dont les journaux de Paris ont parlé. » Il subsiste dans les pires villages un vague sentiment que jeter bas l’église, c’est une mauvaise action, et si les alentours regardent, on est gêné. D’eux-mêmes plusieurs maires, sur l’heure, revinrent au bon sens. A Souvigné, Buxueil, Saint-Gervais-sur-Couches. Messei, Reterre, les braves gens obtenaient à peu près satisfaction. Le préfet du Pas-de-Calais, devant tous les maires du canton réunis pour le conseil de révision, blâma le maire de Méricourt, M. Lodieu, — c’est son nom, — et le somma d’avoir à laisser le curé réparer l’église à ses frais. On juge de l’effet local et de la satisfaction de mes cliens.

Je n’ai pas pu employer à la tribune de la Chambre, ni dans mes articles, le quart des pensées que faisaient naître en moi tant de communications reçues d’une multitude d’amis que je ne verrai jamais. Tristes ou joyeux, naïfs ou savans, ils m’ont guidé, soutenu dans ma grande tâche. Que n’ai-je la facilité de feuilleter avec mes lecteurs mes dossiers ! Ces lettres composent un magnifique plaidoyer pour l’Esprit contre la Bête et donnent une idée de l’émotion publique en faveur des églises.

Écoutez, par exemple, ces lignes charmantes d’enthousiasme et d’amour : «... Je puis vérifier, — m’écrivait de l’Aube un homme qui, par modestie, bien à tort, ne permettrait pas que je cite son nom, — je puis, hélas ! vérifier la justesse de vos vues dans ce département où, de toutes parts, les églises, laissées depuis plusieurs années sans réparations, menacent ruine. Construites en pierre tendre, elles traversent une période critique, analogue à celle où succombèrent ici, vers 1530, les églises bâties au XIIe siècle. On les reconstruisit alors presque toutes, et dans la plaine de Troyes, dans la Champagne pouilleuse,