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de s’aborder en se donnant et se secouant mutuellement la main, à la manière anglaise. Quelqu’un arrivant dans un cercle d’hommes y fait ainsi la ronde, avec l’observation que les gens d’un rang plus distingué préviennent. » On boit énormément de thé : « Pour demander grâce, quand on a pris une demi-douzaine de tasses de thé, on pose la cuiller dessus sa tasse ; car, tant que vous ne la mettez pas ainsi, votre tasse est toujours reprise, rincée, remplie et remise devant vous. A la première, il est de coutume que la jolie verseuse (la plupart le sont) vous demande : « Is the tea suitable ? Le thé est-il à votre goût ? » — « Insipide boisson, » maugrée l’aumônier, sur qui le charme des verseuses ne peut rien. Les toasts sont aussi une coutume fort surprenante et parfois inconfortable. « On est terriblement fatigué par la quantité de santés qu’on porte (toasts). D’un bout de la table à l’autre, un gentleman vous relance, quelquefois avec un regard seulement, qui signifie de boire un verre de vin avec lui, distinction qu’on ne peut honnêtement refuser. » Au cours d’une excursion à Boston, Closen visite une assemblée de Quakers, « où malheureusement personne n’était inspiré et par conséquent l’ennui paraissait régner. » Mais la particularité qui frappe le plus le jeune capitaine est la beauté de ces jeunes femmes qui lui offraient tant de thé : « La nature a doué les femmes du Rhode Island des plus beaux traits possibles ; leur teint est blanc et clair ; leurs mains et leurs pieds généralement petits. » Les dames des autres États ne sauraient d’ailleurs être jalouses des éloges consacrés à celles du Rhode Island ; on voit par la suite du Journal que, partout où il passe, Closen est également pénétré d’admiration. Les dames de Boston excitent son enthousiasme, celles de Philadelphie tout autant ; il juge cependant ces dernières un peu trop sérieuses, ce qu’il attribue à la présence du Congrès dans leur ville.

Mais le principal objet de la curiosité de tous était le grand homme, celui dont on avait tant entendu parler avant de venir, personnification des idées nouvelles de liberté. Tous souhaitaient le voir et, dès que des permissions de voyager furent accordées, plusieurs s’arrangèrent pour aller le visiter dans son camp. Pour tous, si différens fussent-ils de rang et de caractère, l’impression fut la même et répondit à l’attente, à commencer par Rochambeau, qui le vit pour la première fois aux conférences de Hartford en septembre 1780, alors qu’il s’agissait pour les