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Arbres italiens qu’aiment les tourterelles,
Orgueil de Marrakech, délices des sultans,
Ils se laissent frôler par les roses nouvelles,
        Et par mes rêves palpitans.

Des rossignols cachés répandent leur musique,
Chaque feuille s’anime, à leur appel divin,
Rien qui ne soit langueur, grâce mélancolique,
        Miel plus suave que le vin.




Mais il faut voir de haut, jardin, ton opulence,
Au centre de l’allée en croix, il faut gravir,
Par l’escalier tournant qu’habite le silence,
La terrasse où s’allonge en secret le loisir :

Beau promenoir de pierre effleuré par les branches,
Espace limité qui me semble infini,
Lorsque, seul, accoudé sur les murettes blanches,
Mon esprit à l’ampleur de l’espace s’unit.

Ô mon âme, c’est là qu’en un bain d’émeraude,
Il faut plonger ta robe et laver son satin,
Et qu’il faut écouter, rumeur qui vibre et rôde,
En toi-même, la voix de ton songe lointain.

Regarde ! Les dattiers, les hauts arbres bibliques,
Racines dans l’eau vive et cime dans le ciel,
Inclinent leur panache aux lourdeurs métalliques,
En un mol abandon, vers le sol paternel.

Enivre-toi sans fin d’heureuses apparences,
Rassemble tendrement tous les parfums épars,
Recueille les reflets, savoure les nuances,
Que le jardin magique emplisse tes regards !

Mais surtout, ô mon âme ! amante de l’extase,
Vois s’élancer parmi la majesté du soir,
Tandis que tombe un fruit qui se blesse ou s’écrase,
Vois s’élancer, pareille à quelque grand espoir,