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acheteurs sérieux acquitteraient volontiers pour sortir de l’état précaire actuel. C’est une dépense à faire, même si on ne veut pas dresser le cadastre systématique et complet des régions les plus contaminées ou menacées par le désordre. On peut d’ailleurs observer que la tâche de cadastrer les trois ou quatre millions d’hectares des zones capables de tenter les acheteurs étrangers n’est pas disproportionnée à l’intérêt que présente une telle mesure pour l’assiette équitable de l’impôt et la sécurité de la mise en valeur.

Mais une juridiction et une procédure instituées par le protectorat, si capables qu’elles soient de liquider honnêtement le désordre immobilier, ne peuvent être imposées qu’aux Français et indigènes non soustraits à la juridiction locale. Tant qu’existent les justices consulaires, tout cas intéressant un étranger leur devient insoluble. C’est-à-dire que pour débrouiller sans retards fâcheux l’imbroglio foncier, il serait bon d’obtenir le concours des puissances, responsables d’ailleurs, par l’exterritorialité, d’une grande partie de la confusion actuelle. La forme la plus pratique à donner à ce concours serait sans doute l’institution d’une commission internationale qui devrait siéger et régler les cas litigieux pendant un délai nettement déterminé, après quoi toutes les affaires immobilières deviendraient justiciables des tribunaux français. On doit souhaiter que toutes les puissances soient représentées dans l’examen de chaque affaire, quelle que soit la nationalité de l’intéressé, pour décourager cet esprit de clan qui a si souvent donné raison aux étrangers dans les cas les plus douteux et contribué si fort au désordre qu’il s’agit maintenant de mettre au net. Il serait sage aussi de décider que, en principe, la possession décennale serait la base de la reconnaissance des droits immobiliers dans cette liquidation : en chercher une autre serait mentir à la réalité marocaine ; demander, malgré l’évidence de celle-ci, des titres anciens et certains serait rémunérer l’industrie des faussaires qui s’est appliquée à répondre aux exigences du summum jus ; c’est-à-dire que, dans une large mesure, la liquidation de l’imbroglio foncier doit être une décision d’administration honnête plus encore que de justice pure, un arbitrage en équité, un jugement de Salomon.

On dira qu’une telle procédure confirmerait l’hypothèque internationale sur le Maroc. Elle en faciliterait au contraire la