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par l’homme impossible. Par la suppression du sabre, les peuples affranchis se confondront dans un embrassement fraternel et se reposeront dans l’harmonie. » Le « sublime des sublimes » est gros de théories : théories politiques, économiques, sociales. Il les expose avec emphase, les défend avec énergie. « Un des côtés les plus curieux des sublimes des sublimes, c’est qu’ils se croient tous des législateurs consommés, capables de faire des lois ; les questions les plus difficiles ne les épouvantent pas. Le sublime des sublimes a beaucoup lu, il croit ce bagage suffisant pour faire un orateur, légiférer et voter ; il n’étudie aucune question à fond, il discute toujours des points généraux ; si vous lui dites que, pour être représentant, il faut être instruit, avoir une grande expérience des affaires, des besoins du pays : « Voilà bien une grande difficulté, il fera comme les autres. » M. Denis Poulot gagerait que, « sur cent sublimes des sublimes, quatre-vingt-dix-neuf accepteraient la députation. »

Là aussi, 1848 a passé et creusé la trace de son passage. D’une manière générale, avant 1848, les ouvriers qui lisaient..., même à Paris, étaient « une très petite minorité, » ils étaient socialistes. « Les événemens de 1848 apportèrent à la doctrine de nombreuses recrues sans changer le drapeau. On était unanime à flétrir « la domination du capital » et on rêvait un état social où, grâce à la solidarité, il n’y aurait plus « ni bourgeois, ni prolétaires, ni patrons, ni ouvriers. » (Mais c’était pour « après, » et d’abord, et du premier coup, on se plaçait bien sur le terrain de la « lutte de classes. ») En 1863, d’accord avec les élus en politique, on voulait, en économie sociale, obtenir davantage pour la classe de ceux qui « subissaient toujours les conditions légitimes ou arbitraires du capital. » « La bourgeoisie, notre aînée en émancipation, sut en 89 absorber la noblesse et détruire d’injustes privilèges ; il s’agit pour nous, non de détruire des droits dont jouissent justement les classes moyennes, mais de conquérir la même liberté d’action. »

D’une manière non moins générale, et quelque lecture que l’on préférât, après 1848, entre 1848 et 1863, où pour la première fois les ouvriers manifestèrent légalement, constitutionnellement, leurs aspirations à l’état de classe, la majorité des ouvriers avait commencé à ressentir la nécessité de lire. Pour y donner satisfaction, les tentatives se succédaient : fondation,