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paraissaient s’obstiner à justifier cette attitude. Les candidatures de classe ne réussissaient pas mieux qu’en 1863. A Paris, Briosne échouait aussi complètement qu’avait échoué Tolain. En province, même indifférence. Si Raspail fut nommé à Lyon, on vota pour sa personne plus que pour ses idées. « Les socialistes lyonnais, après avoir songé à présenter une candidature ouvrière, puis à s’abstenir, votèrent en masse pour Bancel, bien qu’il eût écarté ou mal compris le programme qu’ils lui proposaient. »

Sous la troisième République comme sous le second Empire, et en 1876 comme en 1869, comme en 1863, les candidatures ouvrières n’avaient rencontré que le plus médiocre succès. Était-ce, en 1876, parce qu’il s’agissait d’abord de consacrer le régime, et qu’avant d’affirmer les intérêts de leur classe, les ouvriers eux-mêmes tenaient à affermir la République ? On ne s’était pas lassé, à travers les vicissitudes politiques, de poser de ces candidatures de classe : la persévérance de quelques-uns y avait veillé, d’élection en élection. On les avait essayées à Paris depuis 1871 ; Ottin s’était présenté au Conseil municipal en 1872 ; on avait parlé d’une candidature ouvrière contre Charles de Rémusat en 1873, mais tout cela ne comptait pas. Quand il s’agit de former le Sénat, Vacquerie proposa dans le Rappel que, « sur les 5 sénateurs de la Seine, il y eût un prolétaire. » Plusieurs candidats ouvriers se présentèrent devant les délégués ; un seul, le typographe Coutant, se déclarait nettement socialiste et laissait de côté les questions politiques. Mais Tolain, qui avait dit : « Suis-je ouvrier ou homme politique ? je n’accepte pas la division, » fut élu, avec M. de Freycinet, Hérold, Victor Hugo et Peyrat, par 136 voix. Le plus favorisé des candidats de classe en eut 32. — A Belleville, un ouvrier, Donnay, se présenta contre Gambetta, avec un programme adouci presque jusqu’au radicalisme. Échec total. Aux élections complémentaires, Chabert, « si connu du monde syndical, » se porta dans le XVIIe arrondissement de Paris contre Pascal Duprat. Échec égal. Un troisième ouvrier, Habay, soutenu par plusieurs hommes politiques, dans le XIIP arrondissement, échoua, grâce aux prolétaires, toujours pleins de défiance envers un camarade qui voulait s’élever au-dessus d’eux. Un peu plus tard, une candidature ouvrière fut posée à Bordeaux ; quelques-unes des principales chambres syndicales de France, par une initiative toute