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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/133

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comme il est, et pourtant à travers l’atmosphère de l’amour. C’est pourquoi la douceur en résume l’impression d’ensemble ! — Jamais, à mon avis, on n’a jugé d’une silhouette avec plus de génie, jamais on n’a parlé de vous, madame, avec plus de vérité ! A Francfort, j’ai habité chez M. Gœthe, un des génies les plus extraordinaires et les plus puissans qui aient jamais paru en ce monde. Il vous fera sûrement visite à Weimar, Rappelez-vous alors que tout ce que je lui ai dit de vous, à Strasbourg, lui a causé trois nuits sans sommeil. » Y avait-il quelque hyperbole galante, à la mode du temps, dans un pareil récit ? S’il fut sincère de tout point, ce serait là une des plus curieuses anticipations de l’avenir dont nous soyons assurés par documens authentiques. Quoi qu’il en soit, une fois de plus, la prophétie aura contribué à préparer l’événement dont elle annonçait l’imminence. Zimmermann a certainement joué de la sorte, entre Gœthe et son Égérie du lendemain, un singulier rôle d’entremetteur intellectuel et nous devons le reconnaître étrangement clairvoyant quant aux affinités secrètes de ces deux êtres que tout semblait devoir écarter plutôt l’un de l’autre : origine, éducation et milieu.


IV

Les jeunes gens se rencontrent en effet quelques semaines plus tard, au début de novembre 1775, à Weimar, sous les auspices de ce véritable magnétiseur à distance. Ses passes hypnotiques préalables paraissent avoir eu, sur l’un d’entre eux tout au moins, le plus foudroyant effet ; sur l’autre, elles exercèrent une action plus discrète, mais non moins caractérisée cependant. On en jugera sans peine par les deux lettres que Charlotte adressait au médecin hanovrien durant le printemps de 1775, lettres qui ont été récemment remises au jour, à notre grand profit. Ce sont aussi les premiers témoignages directs que nous possédions sur le caractère de la jeune femme. A ce titre, elles méritent d’être reproduites à peu près in extenso.. Elles sont écrites en allemand, sauf le début de la première qui l’est en français. : Nous donnerons naturellement de façon littérale ce passage qui est rédigé dans notre langue et nous l’imprimerons en caractères italiques, pour le distinguer des pages qu’il nous faudra traduire ensuite.