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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/206

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emmenait Velléda vers l’île d’Inisthona. Des pirates frisons attaquèrent la barque ; ils ont tué Katmor, enlevé sa fille. Velléda, vendue comme esclave, ils la traînent par la Germanie : elle finira sur un marché de Rome. « Mon cheval ! mon cheval ! » crie Celtil : tant qu’un souffle vivra dans son cœur, il saura retrouver Velléda, fût-ce au bout du monde. « Comme il l’aime ! » soupire la Romaine.

Celtil a retrouvé Velléda, entre deux falaises rocheuses, dans l’île sauvage d’Inisthona. « Oh ! laisse-moi t’enlever sur mon navire, car désormais tu m’appartiens. Viens sur l’Océan, notre patrie première ; il écume d’impatience de nous porter. Ne sommes-nous pas libres comme lui ? J’ai frôlé les écueils pour te joindre, je volerai par-dessus pour te ravir !... » C’est bien tentant ; car Velléda aime Celtil. Mais la dernière prophétesse de la Gaule ne peut renoncer à sa mission ; par ses baisers coupables se romprait « le lien fragile qui joint le ciel à la terre. » Enfin : « Je t’aime, mais je ne puis te suivre, Celtil ! » Celtil est un garçon fougueux, et qui se fâche, et qui se vante sans délicatesse de l’intérêt qu’il a su inspirer à Hédonia Tarquinia. Velléda le repousse. Il part pour le royaume de la nuit : « Orgueilleuse druidesse, adieu ! » Mais Velléda, héroïque et charmante : « Tu veux descendre dans l’abîme d’Abred ? Tu n’y descendras point seul !... » Sa couronne de verveine, symbole de sa puissance prophétique, elle la jette dans la mer : « Comme je fus aux dieux, je suis à toi ! » — A travers toutes les existences ? — A travers toutes ! » Car les druides et M. Schuré croient à la réincarnation perpétuelle des âmes. Seulement, pour chercher Velléda, le Brenn a quitté l’armée. Volusénus et Virdomar, chefs gaulois, ont trahi le Brenn. Les Romains ont repris la citadelle de Bibracte et menacent le sanctuaire des Carnutes. On appelle Celtil. Et lui : « Sur la bouche de la prophétesse, j’ai bu le feu sacré de Bélen ; le sang des dieux a passé dans mes veines ; maintenant je puis donner à la Gaule une âme nouvelle et vaincre en mourant ! » Il part. Mais tard !

Au centre de la Gaule et au sommet d’une montagne, parmi les rocs, il y a un dolmen gigantesque, le tombeau de Hu-Gadarn, le grand ancêtre de la race. Nuit étoilée... Et c’est là que l’astuce romaine s’emparera de Celtil le héros. Par les espions, Torquatus sait que les Gaulois viendront, pour consulter le cœur de la Gaule. Celtil est pris. Un cachot dans la Tour du Rhône. Celtil est là, chargé de chaînes. Avec un centurion subtil, Hédonia Tarquinia s’approche du grabat de Celtil. Et elle tente le Brenn : ne veut-il pas être empereur de Rome, et de la Gaule soumise à Rome ? Hédonia Tarquinia ne doute aucunement