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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/207

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de rien. Mais il y a, dans le cachot, une statue de Némésis : elle se noie dans l’obscurité. A sa place, paraît le corps astral de Velléda, tenant une branche de gui. Velléda, d’un rais lumineux, montre à Celtil son bouclier, son casque et son épée. Armé du casque et du bouclier, Celtil brandit son épée. Les stratagèmes qu’avait préparés, pour emmener Celtil, Hédonia Tarquinia servent à Celtil pour s’échapper tout seul. Et il est libre.

Au sanctuaire de Bélen, chez les Bellovaques, Katmor et Velléda, les gens et aussi les élémens, les Gaulois et la tempête clament la défaite de la Gaule. C’est un délire d’amour qui emporta la prophétesse et le héros. Des femmes gauloises, des soldats fugitifs arrivent, réclamant les foyers, les terres, les labours. Une jeune Gauloise tient dans ses bras un enfant au maillot ; de la main droite, elle tend une touffe d’épis noircis par le feu : « C’est l’image de nos champs, brûlés pas l’avant-garde de Torquatus ! » Celtil n’est pas mort ; le voici : la Gaule est encore vivante. — « Pour combien de temps ? — Pour demain, si nous sommes vainqueurs ; pour toujours, si nous mourons en vrais Gaulois !... » Les blessures de Celtil, Velléda les guérit, douce magicienne, au contact de ses mains. Velléda et Celtil boivent la coupe d’amour, sous le chêne sacré ; et ils n’entendent pas gronder la foudre, qui fendra le chêne jusqu’à la racine. « Les Romains ! les Romains !... » Les Romains approchent. Les Gaulois mettent le feu à la forêt ; de chêne en chêne, le feu se propage. Velléda et Celtil entrent dans le temple, qui flambe. Soudain, le temple s’effondre et n’est qu’un amas de ruines, dans la forêt brûlée. Un disque jaune et lumineux monte dans ce paysage. Et l’on voit, sur ce fond, se dessiner la blanche figure du Christ ressuscité, les bras ouverts. Un oracle druidique l’avait annoncé : « Pour que Rome soit vaincue, il faut qu’un Dieu s’incarne sur la terre et ressuscite du tombeau. Du fond de la mort, il apportera l’amour éternel !.. » Les destinées nouvelles de la Gaule commencent ; des cendres de la Gaule druidique, naît la Gaule chrétienne.

Il est impossible qu’on n’admire pas la beauté de ces grandes imaginations qui soulèvent les siècles du passé. Il est possible qu’on éprouve quelque peine à en saisir toutes les significations profondes. Je crois aussi que la poésie des druides, si démodée naguère encore, n’éveille pas notre plaisir très vivement. Pourtant, M. Edouard Schuré l’a embellie des nobles idées qu’il incarne sous les symboles celtiques : nobles idées un peu étrangères à notre habitude mentale. Les problèmes qui inquiètent l’auteur des Grands Initiés et de la Druidesse sont les problèmes éternels que la philosophie, en tous temps comme