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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/378

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le brûlot au flanc de l’ennemi. En ces premiers jours de janvier 1794, Robespierre pensa certainement l’employer contre « les factions. » L’autre entrait-il plus avant même que son ami dans ses idées ? On trouve dans les papiers saisis plus tard chez Robespierre une note ainsi conçue : « Danton, Lacroix... Mander secrètement à Paris 2 000 hommes de l’armée du Rhin. » Ces derniers mots permettent-ils de croire que, contre Danton et sa « faction, » on eût, au besoin, fait « l’appel au soldat. »

Mais, même avec cette ressource, il dut paraître dangereux d’attaquer de front « Goliath. » Il avait repris, semblait-il, toute vigueur avec son autorité naguère compromise. Desmoulins lui reconquérait Paris. Si, en ce mois de janvier, on lui livrait assaut, ne le rejetterait-on pas dans les bras d’Hébert et des siens qui, comme lui menacés, lui ramèneraient la Commune et les Cordeliers ? Plus d’un Dantoniste poussait, de fait, à l’alliance contre Robespierre des deux « factions. » Fréron écrira encore, le 6 pluviôse, à Moyse Bayle, qu’il s’étonne de voir Hébert les attaquer, Fabre et Desmoulins attaquer Hébert : une telle situation le « dépaysait. » On verra in extremis Danton essayer de sauver certains Hébertistes. Robespierre pouvait craindre qu’attaqué, le « Titan » n’entassât contre le Jupiter du Comité Pélion sur Ossa, et Maximilien n’était pas sûr de tenir encore la foudre. Contre une émeute menée à la fois par les amis de Danton et ceux d’Hébert, qu’eussent pesé même les 2 000 soldats du Rhin que Saint-Just pensait « mander à Paris ? »

Non : il ne fallait pas attaquer de front le « géant. » Il fallait lui enlever ses amis certains, ses alliés possibles. On laisserait décidément Desmoulins achever de massacrer Hébert, quitte à accabler ensuite Camille sous le reproche de « clémencisme. » Cependant, on abattrait un à un les étais de Danton. Celui-ci valait certes par lui-même, mais beaucoup par la cordiale et indéfectible amitié qui le liait à ces révolutionnaires remuans et influens, qui s’appelaient Fabre d’Eglantine, Hérault de Séchelles, Camille Desmoulins, Philippeaux, Delacroix. Cette force deviendrait au contraire une faiblesse si Fabre était convaincu de « vol, » Hérault d’ « intrigues, » Desmoulins de « contre-révolution, » Philippeaux de « sédition, » Delacroix de « concussion. » Quand on pourrait, l’un après l’autre, impliquer les amis de Danton en de fâcheuses affaires, le tribun, ébranlé par leur