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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/534

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d’envelopper d’une littérature de ministère public les « notes » de Maximilien.

Il dut mettre la dernière main à son morceau le 9 germinal. Et, quand il fut prêt, il s’achemina vers les Tuileries et vint déposer sur le tapis vert du Comité ces feuillets où l’on voyait se conjurer, pour la perte d’un homme, la trahison d’un ancien ami et la haine d’un jeune fanatique.


Que faisait, cependant, l’homme ainsi menacé ? Descendu de la tribune, le 29 ventôse (20 mars), au milieu des applaudissemens, il semblait, ce jour-là, qu’il fût capable de conjurer tous les périls. Mais, précisément, ce succès l’avait à l’excès rassuré. Sorti un instant de la « torpeur » où sans cesse il retombait, il lui avait suffi de constater qu’à sa parole, la Convention se pouvait encore émouvoir et soulever. Qui oserait venir l’y attaquer ? Le jour où ses ennemis s’y hasarderaient, il les confondrait d’une phrase et, ayant jusqu’au bout gardé le beau rôle, il « leur mangerait les entrailles. »

Les amis étaient moins rassurés. Tous l’incitaient à prendre l’offensive. Il leur opposait, lui, « l’homme de Septembre, » d’étranges scrupules. Il avait jadis voulu, — c’était vrai, — jeter bas Brissot, naguère encore jeter bas Hébert, mais jamais il n’avait réclamé pour eux l’échafaud. Il ne voulait pas plus y acheminer Robespierre, un tyran soit, mais un vieil ami qui était venu « prendre la soupe » que trempait, dans la petite salle à manger de la cour du Commerce, la pauvre Gabrielle ! Aux incitations pressantes d’un Legendre étonné, il répondait avec un geste las : « Mieux vaut être guillotiné que guillotineur ! » Il était derechef fatigué et énervé.

Le printemps de 1794 s’annonçait charmant. « Jamais je n’en ai vu un si beau, écrit une contemporaine ; on eût dit que la nature voulait consoler le monde des crimes de la société. » A Paris, les marronniers déjà étaient prématurément en fleurs, et la campagne aussi était en fête. Une sorte d’appétit de la nature, écrivent les témoins, avait saisi le Cordelier. Le plus qu’il le pouvait, emmenant avec lui sa jolie Louise, il courait à Sèvres où la Fontaine d’Amour avait pris sa parure printanière. Depuis le 30 ventôse, il ne parait pas au club, et rien ne signale