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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/573

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flottes italienne et autrichienne et de rester maîtresse du bassin occidental de la Méditerranée.

De là des inquiétudes dont la politique peut bien, parfois, exagérer l’expression, mais qui n’en ont pas moins un fondement réel.

On ne voit pas, en fait, si l’Angleterre restait neutre dans le grand conflit de demain, ce qui pourrait empêcher l’armée navale allemande, tout entière cette fois [1], de conduire sur un des points que nous venons de citer le convoi de grands paquebots de Brème et de Hambourg, avec ses 40 000 hommes. Encore convient-il d’ajouter que, dans ce cas, la rapidité de l’exécution n’étant plus une des conditions essentielles du succès, l’Etat-major allemand n’hésiterait probablement pas à emprunter aux deux puissantes compagnies leurs quatre énormes « cargoboats » relativement rapides des types Amerika et Georges Washington, qui enlèveraient aisément chacun 5 000 hommes, pour une traversée de courte durée, car, même en passant par le Nord de l’Ecosse, afin de ne point risquer la fâcheuse rencontre de nos sous-marins du Pas de Calais, la flotte combinée allemande ne mettrait pas plus de 90 heures, à 16 nœuds, pour aller de Cüxhaven aux atterrages d’Ouessant ou de la chaussée de Sein.

Dans cette opération, le rôle des « croiseurs de combat » allemands, très nettement tracé, consisterait à couvrir l’armée et surtout le convoi contre les entreprises désespérées et, par là, dangereuses encore, de notre faible escadre légère [2] du Nord et de ses divisions de grands torpilleurs. Et la tâche, il le faut avouer, paraît facile à qui compare nos anciens croiseurs cuirassés comme la Marseillaise et le Condé à des unités aussi puissantes que le Seydlitz, ou seulement le Von der Tann, à qui rapproche nos torpilleurs du large de 300 à 400 tonnes des « Grosse torpedoboote, » de 600 à 800 tonnes, descendus depuis quatre ans, des chantiers Schichau, Vulkan et Germania.

Admettrons-nous cette circonstance, évidemment la plus défavorable à l’entreprise allemande, que notre armée navale

  1. Il resterait sur la côte de la mer du Nord ou dans la Baltique, — opposée alors aux Russes, — une force navale composée de 8 à 10 cuirassés des types Wittelsbach et Kaiser Friedrich III, de 4 croiseurs cuirassés anciens, d’une dizaine d’éclaireurs et de nombreux torpilleurs, sous-marins, poseurs de mines, etc.
  2. Quatre ou cinq croiseurs cuirassés de 10 000 tonnes, déjà anciens, bons navires de mer, mais peu armés.