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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/585

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peut-être la dénomination qui leur conviendrait le mieux — utilisables avec succès aussi bien dans les péripéties diverses de la bataille classique que dans les opérations à grand développement de la guerre du large.

Au moins faudrait-il nous abstenir de favoriser nous-mêmes les opérations de ce genre des Seydlitz, des Derfflinger et des Lützow dans nos propres eaux ; et c’est justement ce que nous faisons, ou plutôt ce que nous avons failli faire [1] lorsque, il y a peu de semaines encore, nous pensions décider ne varietur le désarmement complet des défenses de certaines rades, de certaines îles ou presqu’îles du littoral de l’Océan, mesure dangereuse au premier chef et où l’on retrouve, avec toute l’imprévoyance française, l’étonnante ignorance des militaires sur tout ce qui touche à la Marine, leur incurable dédain de la force navale, des modalités si variées, si précieuses de son action, des conséquences si importantes, si profondes souvent, — encore qu’elles n’apparaissent pas toujours immédiatement aux esprits superficiels, — de sa mise en jeu opportune et exactement calculée.

Quelle serait, en effet, la plus grande difficulté que rencontreraient les opérations du blocus de notre littoral par les grands croiseurs allemands ? — L’organisation de leurs ravitaillemens, de leurs réparations, de leurs indispensables périodes de repos ou, si l’on veut, de leurs « relèves. » Or, leur abandonnant des rades sûres, d’excellens mouillages comme ceux que couvrent, soit la presqu’île de Quiberon et la chaîne des îlots d’Hœdic, soit les belles et riches îles de Ré et d’Oléron, nous leur fournirions bénévolement la base secondaire d’opérations, le point d’appui, de ravitaillement et de repos qui leur manquerait pour donner à leurs longues et dures croisières un indispensable caractère de fixité, d’inexorable permanence.

Ce n’est donc pas seulement, on le voit, pour parer au danger d’invasion par la frontière maritime qu’il convient de ne pas dégarnir imprudemment nos côtes, c’est aussi, c’est peut-être surtout pour éviter que l’adversaire s’y établisse, temporairement ou définitivement, suivant la tournure des événemens de guerre, dans des positions d’où il serait fort difficile de le déloger dès qu’il y aurait installé quelques troupes et quelques

  1. Certaines déclarations récentes de M. le ministre de la Marine permettent d’espérer une orientation moins fâcheuse des desseins de nos États-majors.