Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pour soutenir cette même thèse (acte réalisé par le fait de la lecture) le rapport continue en déclarant : « Cette manière de procéder était d’ailleurs conforme aux usages. Le Directorium nous indique que si l’accusé ne sait pas lire couramment, un des clercs présens lira l’abjuration, membre de phrase par membre de phrase, et l’abjurant redira en langue vulgaire ces membres de phrase, l’un après l’autre jusqu’à la fin. » Mais M. Valin oublie de spécifier que le Directorium dit aussi : « L’accusé doit mettre la main sur l’Evangile et puis lire, à haute voix, la formule d’abjuration, ou la répéter phrase par phrase après un notaire. » Toutes ces formalités, indispensables pour témoigner de l’adhésion du coupable, ont été omises par Cauchon.

Jeanne n’a pas répété la formule, elle n’a pas mis la main sur les Evangiles, et de plus la cédule lue par Massieu n’était pas un acte d’abjuration. C’est ainsi que s’explique de la part des Anglais une indignation qui n’aurait aucune raison d’être sans ce manquement à toutes les formalités requises. Cette indignation des Anglais nous est transmise par leurs invectives contre le tribunal, lorsqu’ils s’écriaient que tout n’était fait que per modum derisionis et en disant encore : Quod non erat nisi truffa.

Sur l’estrade même des juges, Cauchon est appelé traître par un docteur anglais. L’évêque de Beauvais jette à terre le sac du procès, et le cardinal de Winchester, en faisant taire son chapelain, nous montre que lui-même prend la responsabilité de toutes les irrégularités commises. Sans mandat, mais pour couvrir Cauchon de son autorité, c’est lui qui accepte que Jeanne soit reçue à pénitence.


Nous allons montrer la même complicité dans un fait qui n’a jamais été mis suffisamment en évidence, complicité qui permit à Cauchon de se jouer des garanties les plus essentielles de la justice. Lorsqu’on voulut prétendre, contre toute vérité, que Jeanne venait de se soumettre, l’évêque de Beauvais achevait de lire la première partie de la sentence, long préambule ou exposé de l’affaire, qui n’avait pas à être modifié quel que fut le jugement.

Le procès-verbal donne ensuite une seconde partie, où