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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/597

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Jeanne était supposée avoir reconnu ses erreurs, etc. Or, cette seconde partie n’a pas été lue à Saint-Ouen, Jeanne n’en a jamais eu connaissance.

Courcelles en apporte le témoignage certain : « Ce que j’entendis bien, c’est que quelques-uns des assistans interpellaient l’évêque, lui reprochant de ne pas achever la sentence. » Lors de la réhabilitation, on demande à Courcelles qui a fait la formule d’abjuration écrite au Procès et commençant par ces mots : « Tu Johanna. » Courcelles répond : « Je ne le sais pas, et je ne sais pas qu’on en ait fait lecture à Jeanne et je ne sais pas non plus qu’on lui en ait donné l’explication. »

Quelle est donc cette formule « Tu Johanna » qui n’a pas été lue à Jeanne ? Précisément, la seule partie importante du jugement, celle où on lui déclare qu’elle a abjuré ses erreurs, etc. Nous ne saurions mieux faire que d’en reproduire les termes :

« Toi Jeanne, dite vulgairement la Pucelle, tu as été déférée devant nous, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, et devant frère Jean Lemaître, vicaire, dans cette ville et dans ce diocèse, du célèbre docteur Jean Graverent inquisiteur, etc.

« Tu as très gravement péché par imposture en feignant des révélations et des apparitions divines, en trompant les autres, etc., etc. Cependant, comme à la suite de nombreux et charitables avertissemens... tu as ouvertement abjuré tes erreurs,... de ta propre bouche, tu as révoqué ces erremens et toute hérésie, nous t’absolvons par ces présentes, etc. »

Quoique formulées en latin, a-t-on craint que Jeanne ne vînt à deviner ou à comprendre la portée de ces imputations, et qu’une énergique protestation de sa part ne renversât tout cet échafaudage de mensonges ? Ou a-t-on supposé que les nombreux Anglais, qui voulaient le bûcher, protesteraient trop violemment contre une abjuration qui n’avait pas eu lieu et ne leur paraissait inventée que pour sauver Jeanne ?

Quel que soit le motif, cette formule « Tu Johanna » n’a pas été lue à Jeanne. Courcelles nous en a apporté le témoignage formel.

Si extraordinaire que cela puisse paraître, on voit donc que ce qui constitue la sentence n’a pas été lu à Saint-Ouen, et on peut dire qu’aucun jugement n’a été prononcé. Le cardinal de Winchester donna l’ordre de recevoir Jeanne à pénitence et,