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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/679

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sont des centres de recherches et des foyers de haute culture, mais encore elles rendent toutes des services, en se spécialisant, sans cesser de donner un enseignement général, élevé et complet. Or cette spécialisation correspond à une idée de décentralisation et de division du travail. La diversité bien réglée de l’enseignement des écoles nationales répond à la diversité des aptitudes productives de chaque région ; elle donne satisfaction à des besoins locaux et aux vœux maintes fois exprimés des assemblées provinciales.

En revanche, à quoi bon instituer ou conserver des privilèges en faveur des élèves sortis de telle ou telle école ? Si l’instruction qu’ils y ont reçue est vraiment supérieure, si elle les a rendus comme invincibles, pourquoi redouter la lutte qu’ils auraient à soutenir en concourant avec des rivaux ?

Pourquoi des monopoles d’origine quand l’intérêt général n’est bien servi que par des individualités fortes et par une élite qui a le droit de se révéler partout ?

Quand le fruit de l’arbre est bon, on ne se soucie pas de la racine.

Cette conclusion s’applique au mode de recrutement des professeurs que le projet voudrait faire passer par une école de pédagogie. Sans doute il est bon qu’un futur maître ait appris à enseigner. La bonne ordonnance d’une leçon, l’heureux équilibre des divisions du sujet, l’adaptation des développemens à l’instruction spéciale ou à la culture générale des auditeurs, tout cela constitue bien un art véritable qu’on peut tenter d’apprendre et qu’il ne serait pas mauvais d’enseigner.

La meilleure école de pédagogie n’est-elle pas, cependant, l’établissement lui-même dans lequel l’élève a entendu maintes leçons bien ordonnées et bien faites ? Le bon professeur des écoles supérieures n’est-il pas le maître qui enseigne la pédagogie par l’exemple ? Les qualités requises pour professer sont d’ailleurs le privilège de quelques-uns ; elles supposent la mesure, le tact, la clarté, le talent spécial d’exposition... qui ne s’enseignent pas, ou du moins que l’on n’acquiert guère par l’enseignement !

Si le candidat aux fonctions de professeur fait preuve des qualités pédagogiques que l’on exige à juste titre, il est inadmissible qu’un jury l’écarte, ou que l’administration lui interdise de concourir parce qu’il n’a pas obtenu au préalable le diplôme