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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/708

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sérums antimicrobiens. Tout autres sont les affections dont nous allons parler maintenant et où les microbes sont surtout redoutables par les produits empoisonnés, par les toxines qu’ils élaborent. Les sérums antimicrobiens, dont M. Charles Richet a signalé le premier exemple, sont fort différens, dans leur mode de préparation et leur objet, des sérums antitoxiques. Ceux-ci ont une valeur thérapeutique encore supérieure aux premiers ; ils ont complètement modifié et éclairci nos idées sur la nature de l’immunité ; enfin ils nous ont ouvert une allée magnifique et à peine explorée dans l’inconnu en soumettant aux méthodes pastoriennes des accidens morbides qui, par leur origine non microbienne, paraissaient devoir rester étrangers à ces méthodes. Tout ces beaux résultats que nous allons passer en revue ont découlé de la découverte à jamais inoubliable de la toxine diphtérique, faite par le docteur Roux en collaboration avec Yersin.

Dès le début de la bactériologie, certains avaient soupçonné que les microbes pathogènes doivent agir non seulement par eux-mêmes, mais par les poisons qu’ils élaborent. Dès 1882, l’illustre Behring, alors médecin assistant de 2e classe au régiment des hussards de la Garde à Posen, avait fait dans cette voie des recherches remarquables dont la conclusion était : que l’immunité n’était pas expliquée en général d’une façon satisfaisante par le pouvoir bactéricide des sérums. Mais on resta longtemps à cet égard dans le domaine nébuleux des hypothèses jusqu’aux travaux de MM. Roux et Yersin qui, étudiant la diphtérie (dont le microbe signalé par M. Klebs a surtout été caractérisé par M. Lœffler), montrèrent que les cultures du bacille de Lœffler en bouillon alcalin, filtrées de façon à être privées de microbes, contiennent un poison si actif que un demi-centimètre cube peut tuer un cheval. Ainsi fut découverte la toxine diphtérique, qui n’est pas un alcaloïde, mais un produit plutôt voisin des venins par ses propriétés. Bientôt après, M. Behring découvrait que le sérum des animaux immunisés contre cette toxine est précisément le contrepoison de la toxine diphtérique. Puis survenaient de nouvelles recherches admirables du docteur Roux sur les meilleurs moyens d’obtenir et d’utiliser la toxine et le sérum, et enfin en 1891, au Congrès de Budapest, celui-ci faisait sa mémorable communication, qui forçait d’un seul coup les portes jusque-là prudemment closes de la pratique médicale. Les parts de MM. Roux et Behring sont égales dans cette bienfaisante découverte ; elles se complètent, et ne valent que l’une par l’autre. Admirable exemple de ce que peuvent les collaborations de gens qui ont mieux à faire que de s’entre-massacrer. C’est par centaines de mille qu’il faut compter les