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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/815

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défilent. Les rajahs endiamantés s’inclinent. Les cipayes manœuvrent. Les lanciers caracolent. L’Empire britannique étale ses richesses. La Monarchie anglaise affirme sa puissance. Ces images distrayent les yeux las. Un frisson passe sur ces âmes simples. Et avec un élan de sincère gratitude, ces auditoires démocratiques acclament le Roi, à qui ils doivent ces spectacles et ces émotions.

L’ovation est telle, que les feuilles radicales jugent prudent de s’associer à cette explosion de ferveurs loyalistes. Le Daily Chronicle (5 février 1912) écrit que George V « a accompli une grande mission impériale... Ayant pensé, qu’il était de l’intérêt de l’Empire qu’il allât aux Indes, il entreprit ce long voyage avec le courage calme et le sens élevé du devoir qui le caractérisent. Le Roi a été amplement récompensé de ses peines... Nous croyons que de grands et bienfaisans résultats découleront de cette visite. Ce fut une audacieuse innovation : elle a réussi triomphalement. » Le Daily News lui-même n’est pas moins chaleureux : « C’est aux résultats les plus profonds et les moins mesurables de cette visite que l’opinion publique songera, en souhaitant aujourd’hui la bienvenue à Leurs Majestés. Le voyage du Roi et ses paroles auront, au point de vue de leur influence sur l’état d’esprit dans l’Inde, une valeur inappréciable... »

En réalisant le projet, qui hantait ses rêves de marin, George V avait atteint un double objectif, consolidé l’Empire là-bas, et le Trône ici. Les doctrinaires s’étonneront, s’indigneront, peut-être, que de pareilles causes aient produit de semblables effets. Un voyage, des cavalcades, des discours, il n’y a là, semble-t-il, que des moyens d’action sans grande originalité et sans valeur vraie. Les visions n’ont point encore perdu, ne perdront jamais leur puissance d’attraction sur les masses humaines. Pour en être surpris, il faut ignorer la maxime élémentaire de l’art politique. C’est par l’imagination, qu’on gouverne les hommes. Napoléon l’a dit. George V s’en souvient.


II

Il ne faudrait point en conclure que, rompant avec les conseils d’Edouard VII et avec l’exemple de Victoria, leur héritier aspire à d’autres pouvoirs que ceux d’un souverain constitutionnel