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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/854

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tant au monde que de n’avoir rien à vous reprocher, et c’est un vray martyre pour moi que de ne pouvoir estre contente de vous ; je suis bien aise que vous le soyez de moi ; toutes mes actions n’ont pour but que de vous plaire, et je ne pense à autre chose depuis le matin jusqu’au soir...

« Je n’ai de consolation qu’à estre seule ; c’en seroit une bien grande pour moi de vous voir encore une fois ; il ne se passe pas un moment que je ne le souhaite. La chose est aisée, de mon costé. Knesebeck loge dans le cabinet auprès de moi, et si vous pouviez venir sans estre connu, il n’y auroit rien à craindre.

« Pour le reste, vous pourriez mesme demeurer tout un jour sans que l’on s’en doutât, mais il est presque impossible que vous ne soyez rencontré par quelqu’un qui ne vous reconnoisse ; c’est pourquoi je ne veux rien dire là-dessus, et, quoique je le souhaite avec la dernière passion, j’aime mieux me priver de ce plaisir que de vous exposer le moins du monde...

J’ai été piquée jusqu’au vif contre vous et vous m’avez fait passer une nuit bien cruelle. Je commence à m’adoucir, et le moyen d’estre longtems fâchée quand on aime comme je le fais ? Cependant, convenez avec moi que vostre procédé est désobligeant et que vous ne devriez jamais faire ce que vous avez fait...

« J’ai pensé oublier de vous remercier de toutes vos douceurs ; quand je serai tout à fait contente de vous, je vous en dirai à mon tour. Je ne chercherai point dans la Bible comme vous le faites, mais les prendrai toutes dans mon cœur.

« Adieu, il faut finir, j’en suis fâchée.


Car je sens, malgré ma colère,
Que, tout ingrat qu’il est, je l’aimerai toujours. »


Le premier soin de Sophie-Dorothée, en arrivant de Brockhausen, est de donner, suivant sa coutume, l’emploi de son temps. Elle accueille les justifications de Konigsmarck au sujet de la Platen ; désormais, rassurée sur la fidélité de son amant, elle l’adjure, au nom de leur amour, de continuer ces visites indispensables à leur sécurité.


« Mardi (13/23 juin).

« J’arrivai hier au soir fort tard de Brockhausen avec l’Electrice. J’eus le plaisir de trouver vostre lettre ; je l’ai releue