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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/865

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« Je vous obéirai aveuglément, mais si, pour sauver mon honneur, je dois y aller encore une fois, vous me donnerez la permission de partir. » La princesse, avec l’inconscience des réalités commune aux femmes que domine la passion, ne semble pas s’apercevoir que ses exigences achèvent la ruine de Konigsmarck.

Elle compte, pour arranger les choses, sur ses parens, sur le hasard, sur tout enfin, sauf sur les moyens qui dépendent de son amant. Ces moyens, s’ils se présentent, elle les écarte, et il ne sait qu’obéir.


« Le mercredi 5/15 juillet.

«... Je ne vous dirai point que je suis dans des inquiétudes mortelles, toutes les fois qu’il se présente ailleurs des avantages considérables pour vous. Je suis au désespoir d’estre la cause que vous les refusez, et je mourrois de douleur si vous les acceptiez, car cela m’esloigneroit si fort de vous que je n’aurois presque aucune espérance de vous revoir, et vous savez bien que, sans vous, tout le monde ensemble ne m’est rien et que vous me tenez lieu de toute chose.

« Si vous m’aimez, ne m’abandonnez point, je vous en conjure, je vous le demande par toute la passion que j’ai pour vous ; elle mérite bien que vous fassiez quelque chose pour elle, puisque jamais il n’y en a eu de si tendre et de si sincère...

« Vous me faites trembler par tout ce que vous me mandez de vos chagrins, je m’y intéresse et je les ressens plus que si j’en estois accablée, car vous m’estes mille fois plus cher que moy-mesme.

« Je ne sais qui sont les amis dont vous vous plaignez ; et j’ai bien envie de les connoistre pour les haïr mortellement.

« Ma mère et mon père sont tout à fait raccommodés, et mieux ensemble que jamais...

« Je ne désespère point d’obtenir ce que je souhaite, et je ne quitterai jamais la partie, car quoi qu’on me refuse, je ne me rebuterai point, mais je trouve les conjonctures fort contraires à mon dessein : on ne parle que de guerre et de la misère où l’on est. Il me semble qu’il faut attendre un temps plus favorable.

« Mon père est plus tendre que jamais pour moi, et ma mère m’accable à force de bontés…