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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/889

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Tout cela, c’est les jeux de la vie... Un seul jour,
Une seule heure, un seul instant, en font de l’ombre.
C’est ce seul instant-là qui doit compter : si court,
Sa chute rebondit en des échos sans nombre !

Il n’est de sérieux que la Mort, ici-bas,
La Mort que tant de morts n’ont pas pu faire vieille,
La jeune Mort toujours en chemin, dont le pas
Commence à retentir, plus proche, à notre oreille.

Ah ! cueillons ce qui seul au monde est important,
L’éphémère infini du temps et de l’espace !
Il n’est rien que le jour, que l’heure, que l’instant !
Il n’est de sérieux que ce souffle qui passe !


MUSIQUE NOCTURNE


Un Prélude liquide au lointain monte et baisse
Dans l’ombre et les odeurs de cette nuit d’été...,
Soudain, le cœur battant, je me suis arrêté :
O flot de souvenirs ! ô toute ma jeunesse !

Par de semblables nuits, jadis, au piano,
Mon père ainsi jouait à la fenêtre ouverte.
Et faisait ruisseler dans l’ombre chaude et verte
Du Chopin lisse, frais, scintillant comme une eau !

Et seul, éclaboussé d’argent par chaque gamme.
J’espérais un bonheur immense en palpitant ;
Tout l’infini tenait pour moi dans chaque instant.
Et l’odeur des jasmins était toute mon âme !

Comme on déchoit au gré des jours, comme on décroît !
Qu’êtes-vous devenus, avidité lyrique,
Nerveuse ardeur, élans d’une âme chimérique
Qui, ne connaissant rien du monde, attend, et croit !...